Opinion

À la vitesse que tu roulais…

Martin Lavallière, professeur de kinésiologie au Département des sciences de la santé

À la vitesse que tu roulais, tu as « brûlé » le stop au coin du Pavillon sportif et du Pavillon Alphonse-Desjardins ce midi. Je dis bien brûlé, pas un stop roulé de style quasi-arrêt à l’américaine comme plusieurs les appellent. Tu es passé en pleine trombe au coin d’une des intersections les plus achalandées du campus sans aucun souci des autres, pour ne lever le pied que devant le Pavillon Desjardins où une personne te fit attendre car, bravo!, tu étais arrivé le premier !

À la vitesse que tu roulais, tu n’as pas pu prendre conscience de la centaine d’enfants (mon garçon, et les enfants de tes collègues ou même de tes étudiants) qui fréquentent les différents camps de jour offerts sur le campus cet été, mais aussi le personnel de l’UQAC, tes collègues peut-être qui reviennent « énergisés » de leurs vacances estivales, nos futurs étudiants qui arrivent sur le campus et à qui tu fais déjà craindre pour leur sécurité sur notre campus.

À la vitesse que tu roulais, tu ne les vois probablement pas ces conflits-là, survenir près de toi, ni le risque que tu crées pour les usagers vulnérables, alors que tu es perché dans ton rutilant et luxueux 4×4 qui nous indique déjà, en soi, ta propension à ne pas te préoccuper des usagers vulnérables.

À la vitesse que tu roulais, tu fais le choix de te cacher derrière ce volant qui te donne ce fort sentiment d’invulnérabilité, sentiment que tu retires impunément aux autres usagers de la route qui doivent la partager avec toi. Soyons francs. En réalité, tu ne partages pas beaucoup cette sécurité routière en exposant tout le monde à tes comportements dangereux. Et dans une éventuelle collision, je n’aurai que peu de chance contre toi, simple piéton face à ta vitesse et ton gros VUS.

À la vitesse que notre mémoire collective oublie, tu ne te rappelles surement pas qu’une piétonne s’était fait frappé par un autobus sur le campus. On avait alors demandé aux piétons de faire attention en traversant les intersections du campus. Quelques jours plus tard, un relevé effectué à trois intersections différentes du campus nous indiquait toutefois que c’est plus de la moitié des conducteurs.rices qui ne respectaient pas les signaux d’arrêt et la limite de vitesse ![1] Tu as aussi oublié qu’un employé avait failli se faire frapper mortellement derrière le Pavillon principal à cause de la circulation de transit et du non-respect de la signalisation sur le campus. Heureusement, des changements récents sur le campus tentent d’atténuer ce type de comportements en ne permettant plus de « couper au travers » du campus. Mais toi tu ne le sais pas, tu es juste fâché parce que l’on a fermé ton raccourci et une portion de ta piste de course.

À la vitesse que l’on dénombre des collisions et des décès sur les routes de la région cet été, je n’ai pas envie que le campus universitaire fasse frontispice des médias locaux et provinciaux comme récipiendaire d’une nouvelle hécatombe de l’auto-solo ! Cette sécurité routière, c’est une décision que nous devons toutes et tous porter ensemble et dans une même direction pour notre bien commun. Tu dois aussi en faire partie.

À la vitesse que tu roulais, au volant de ton gigantesque jeep noir arborant le logo d’une microbrasserie de la région, tu ne venais que chercher quelqu’un tu me diras. Tu me diras que tu étais en retard, tu me diras que vous aviez rendez-vous et que vous étiez attendus.

À la vitesse que tu me répondras ces bêtises, je te dirai que je m’en fous. Ta mauvaise gestion du temps, ton incapacité à conduire sécuritairement et à partager cet espace sur laquelle nous nous déplaçons tous, en voiture comme à pied ou à vélo, ce n’est pas une raison pour mettre en danger notre communauté universitaire, nos proches et nos familles. Je te dirai que tu avais juste à prendre le temps de t’arrêter dans un endroit propice (voir ici pas en conduisant avec le téléphone dans ta main, car on sait toutes et tous que c’est illégal depuis 2008 et dangereux depuis que la technologie permet de le faire) et les appeler pour les avertir de ton retard.

À la vitesse que tu liras ces mots, tu ne te rappelleras surement même pas avoir conduit de la sorte ce lundi midi d’août par une journée ensoleillée, car tu en as fait ton quotidien de ne pas respecter le code de la sécurité routière et les gens qui t’entourent.

À la vitesse que vont nos vies en ce moment, je nous invite à ralentir à quelques jours de la rentrée: levez le pied comme on dit. Planifiez vos déplacements et vos transports, et surtout, lorsque vous conduisez…, conduisez ! Vous vous dites « multi-tasker », mais ça ne fonctionne pas avec la sécurité routière ![2] À la place, favorisez des modes de transports actifs lorsque vous en avez l’opportunité, ça permet de bouger et d’ouvrir vos esprits[3].

Bonne rentrée, bonne route !


[1] Fillion, M.-P., Paul, M., & Lavallière, M. (2019, 23 mai). Mon campus universitaire et notre sécurité en tant que piétons font-ils bonne route : projet pilote. Communication présentée au VIIIe Colloque annuel du Réseau de recherche en sécurité routière du Québec, Québec, Qc.

[2] Voir cet article et celui-ci ainsi que : Lavallière, M. (2015). Nouvelles technologies et conduite automobile: bénéfices et risques à la conduite pour différents groupes d’âge de conducteurs. (Vol. Programme de recherche en sécurité routière FQRSC – SAAQ – FRQS, pp. 52). Cambridge, MA: MIT AgeLab.

[3] Lavallière, M., Blackburn, P., Beaulieu, L.-D., & Handrigan, G. A. (2019). Promotion d’un mode de vie physiquement actif en contexte scolaire à l’aide de « rencontres actives » avec les étudiants (« walking meeting »). Le Tableau, 8(6).