Élise Duchesne et Louis-David Beaulieu, professeure et professeur au Département des sciences de la santé
Élise Duchesne et Louis-David Beaulieu ont tout récemment obtenu une bourse salariale de carrière Junior 1 du Fonds de Recherche du Québec en Santé (FRQS). Ce financement comporte d’une part un montant sous forme de salaire (30 000$ à 88 000$ par an, selon l’expérience) , et d’autre part un montant d’argent pour réaliser des recherches (20 000$ par année), pendant 4 ans. Pendant cette période, la recherche doit constituer au moins 75% du temps de travail de la personne récipiendaire. Le montant versé en bourse salariale vise donc à dégager le récipiendaire des tâches autres que la recherche. Le salaire est alors payé en partie par le FRQS et l’université s’engage à compléter ce montant pour que la personne reçoive son plein salaire.
Cet article réunit donc quelques réflexions de deux chercheurs en santé de l’UQAC pour qui l’appui du FRQS par une bourse salariale a eu un grand impact sur leur carrière respective, le rayonnement de leur département/université et la société.
Réflexions de Louis-David Beaulieu
« Il me fait grand plaisir de vous annoncer que vous êtes récipiendaire d’une bourse de carrière Junior 1 du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). Le comité a évalué votre candidature et a reconnu l’excellence de votre dossier et de votre proposition de recherche, ce qui vous place parmi les meilleurs membres de la relève en recherche au Québec. »
Deux simples phrases, lues en 3,47 secondes dans une trame sonore de battements cardiaques digne d’un thriller. La modulation temporelle de mon niveau de cortisol sanguin aurait été passionnante à étudier.
Deux simples phrases, certes, mais porteuses d’impact. Cet enchainement particulier de lettres et de mots représente la matérialisation concrète de mes rêves inavoués, souhaités en chuchotant à l’aube de ma carrière. Tel un puissant électrochoc, le siège cérébral de mes doutes s’est vu hyperpolarisé, offrant les coudées franches à une confiance renouvelée en moi-même et mes aspirations au sein de l’UQAC.
Mais d’où viennent ces doutes? Car l’obtention d’une bourse FRQS ne change en rien la qualité et le plaisir que j’ai à bâtir mon programme de recherche, que nenni! Est-ce là le chemin de croix de tout chercheur émergent, avançant à tâtons dans les dédales des opportunités, éclairé par la flamme vacillante de sa propre confiance? Je m’égare, mais la question demeure néanmoins pertinente. Tout comme l’air porteur d’oxygène aide à la combustion mais dans un souffle peut éteindre la flamme, les courants de pensées et pratiques au sein de l’écosystème académique peuvent à la fois nourrir et étouffer nos ambitions de carrière. Souhaitons que ceux et celles qui nous suivront commenceront leur chemin de croix munis d’une lampe torche au LED plutôt que d’une chandelle.
Et qu’en est-il du rythme de travail ? J’enseigne encore beaucoup (COMMENT OSE-IL?)… à mes étudiants gradués ! J’écris les mêmes articles et demandes de subventions que j’avais prévus – avec ou sans bourse FRQS – mais avec un plus grand espace intellectuel pour lire, relire et réfléchir. Et pour moi un travail reste un travail peu importe la tâche: je suis heureux de retrouver ma famille et mes loisirs quand la journée est terminée. Donc, à mon humble avis l’impact principal de cette bourse de carrière demeure celui d’une reconnaissance par les pairs, et surtout par moi-même, de la qualité et du potentiel de mes activités de recherche. Et parfois, une simple marque de reconnaissance peut abattre les barrières, réelles ou perçues, érigées autour de nous.
Réflexions de Élise Duchesne
Décembre 2012, la présidente de ma soutenance de thèse m’annonce que ma thèse satisfait aux exigences du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D) en physiologie-endocrinologie et que ce grade m’est décerné avec les privilèges qui s’y rattachent.
Janvier 2013, je quitte parents et amis et déménage dans la région du Saguenay–Lac-St-Jean (SLSJ) pour découvrir ces privilèges. J’avoue les avoir cherchés un bon moment… comme probablement tout chercheur en début de carrière pour qui tout est à bâtir.
Je me rappelle d’avoir eu un grand vertige lorsque j’ai consacré la moitié de mon fonds de démarrage (soit 5 000$) à l’achat d’aiguilles à biopsie, un outil indispensable à la programmation de recherche que j’entrevoyais démarrer. Plus de 10 ans plus tard, cet « investissement » aura été comparable à celui d’un achat d’un chalet dans un endroit pittoresque tout juste avant la pandémie. En clair, j’ai réussi à démarrer en obtenant plusieurs financements importants en plus d’une bourse salariale du Fonds de recherche en santé du Québec (FRQS) : une voie d’accès à de l’argent et du temps protégé pour faire de la recherche… une voie d’accès à la découverte d’une multitude de privilèges associés au métier de chercheur qui a les moyens de faire de la recherche … une voie d’accès à la chance unique que nous a procuré l’éducation que nous avons reçue, soit celle de contribuer à améliorer notre société. En plus de la rémunération qui m’est versée assidûment à toutes les deux semaines, il m’arrive de recevoir des payes supplémentaires, c’est-à-dire des témoignages de participants de recherche qui me remercient de faire mon métier, pour les aider eux. Ils me disent se sentir privilégiés que nous travaillions si forts pour eux … eux qui sont malheureusement nés avec une maladie neuromusculaire. Vous comprendrez que je ne cherche plus les privilèges qui se rattachent au grade de Ph.D et qu’honnêtement je me sens ingrate de les avoir même cherchés.
Mes financements et mon temps protégé consolident mon identité de chercheur au sein de l’institution, mais je suis d’avis qu’un parcours moins glamour peut impacter tout autant positivement la société. Il m’apparaît donc illogique de devoir décrocher une bourse salariale ultra-compétitive pour jouir de ce temps protégé. Je pense souvent à mes participants pour qui notre travail fait une différence et je repense à tous les moments où il aurait été plus facile pour moi de m’éloigner du sentier cahoteux de la recherche. Je me félicite d’avoir gardé le cap, mais j’admets que mon destin aurait pu facilement prendre une autre tournure. Comme toute bonne chercheure quantitative, ce facteur chance m’agace.
Le support de l’institution est un élément qui pourrait permettre de le diminuer. Ce support peut permettre à un jeune chercheur de rêver de l’envol de sa carrière et peut permettre à un chercheur plus aguerri de garder le cap dans les tempêtes qu’il rencontre au cours de sa carrière. Ce support ne devrait pas être obtenu à l’arraché, il devrait être vu comme un investissement, tel un chalet sur le bord du Lac-St-Jean.
Conclusion
Pour conclure, l’obtention de ces deux bourses de carrière du FRQS, sans oublier la myriade de réussites des collègues de notre département, sont des signes hautement encourageants pour l’avenir. L’accompagnement et le support d’un chercheur par son université d’accueil a un potentiel de retombées immenses, dont celle très immédiate d’obtenir une bourse de carrière. Espérons que ces succès aideront à cristalliser ce modèle pour les prochaines embauches en santé. Notre département, notre université, la société, s’en trouveront tous récompensés.