Comment ça va Prof ?

Rachel Côté, étudiante en médecine
Ariane Blackburn, étudiante en Travail social
Christiane Bergeron-Leclerc, professeure
au DSHS

La pandémie de COVID-19 déclarée par le directeur de l’Organisation mondiale de la santé le 11 mars 2020 a eu des répercussions considérables, notamment en milieu universitaire. Les cours en présence ont fait place à différents modes de prestation virtuelle, afin d’achever coute que coute le trimestre d’hiver. Depuis, le corps professoral a dû faire preuve de résilience afin de s’adapter aux changements de l’ensemble des versants de leur profession.

C’est avec l’intention de connaître les répercussions de la pandémie sur les trois composantes de la tâche professorale qu’a été menée, du 11 au 17 novembre 2020, une consultation par le SPPUQAC. Au total, 55% des membres du syndicat ont participé à cette consultation comprenant des questions ouvertes et d’autres à choix de réponses. Cet article, qui fait écho à la présentation effectuée lors de l’assemblée syndicale du 15 décembre 2020, vise à synthétiser les principaux résultats de cette consultation.

« Je me sens en surcharge »

De façon majoritaire, les membres ont reconnu que les trois composantes de leurs tâches avaient été grandement affectées par la pandémie et les changements qui en ont découlé.

De fait, 90,2% des professeur.e.s ont noté une augmentation – qualifiée de légère (21,9%) par certains et de considérable (69,3%) pour la majorité – de leur tâche d’enseignement. Même si pour le tiers des répondant.e.s la pandémie n’aurait pas eu d’effet sur leur productivité scientifique, 63,8% des professeur.e.s reconnaissent avoir vécu une diminution légère (19,6%) ou considérable (44,2%) de leurs activités.

Enfin, parmi les personnes ayant mentionné occuper des tâches de gestion académique (n=75), 77,1% considèrent avoir vécu des répercussions directes de la pandémie. Le temps consacré à la préparation de cours, à l’évaluation et à la gestion des étudiant.e.s, aux réunions de même qu’aux demandes administratives jugées non prioritaires, parait contribuer à cet effet de surcharge.

Considérant ces effets perçus, il n’est pas surprenant de constater que 76,5% des répondant.e.s se sentent épuisés. Dans les commentaires émis, plusieurs soulignent une fatigue accrue, des difficultés de concentration, une augmentation du niveau d’anxiété ou encore une qualité de sommeil altérée. Tout en reconnaissant que cette hypothèse demeure à valider, nous pensons que la surcharge, combinée à des enjeux de conciliation travail-famille, de même que l’insatisfaction moyenne ressentie (46,1%) face aux décisions administratives, ont un impact sur le degré d’épuisement du corps professoral. Ainsi, dans les commentaires émis, plusieurs ont critiqué le style de gestion de l’administration en place, dont le manque de collégialité.

« Je dois m’adapter »

En plus des données quantitatives, les membres ont été invités à répondre à des questions ouvertes et à émettre des commentaires. L’analyse qualitative transversale des données permet de mettre en lumière un certain nombre d’enjeux ayant trait à la vie professorale en contexte de pandémie.

Au plan pédagogique

Stress, inconfort et adaptation sont des mots qui résument assez bien le vécu des professeur.e.s face aux transformations des pratiques d’enseignement. La migration des enseignements en mode numérique a nécessité pour plusieurs de revisiter leurs contenus et leurs stratégies d’enseignement. Certains professeur.e.s évoquent également la complexité de la mise en œuvre des « cours laboratoires » qui ne pouvaient se dispenser en ligne. Également, quelques professeur.e.s déplorent l’arrivée tardive des capsules d’autoformation déployées par le Centre de soutien à la prestation virtuelle. La gestion de l’enseignement en ligne soulève plusieurs enjeux concernant la motivation étudiante, les nombreuses interactions numériques et la socialisation en classe.

Malgré les difficultés évoquées, plusieurs professeur.e.s perçoivent des avantages aux cours en ligne et évoquent le souhait de demeurer dans un modèle hybride au-delà de la pandémie.

Au plan de la gestion étudiante

Depuis le début de la pandémie de la COVID-19, des membres du corps professoral font face à des problèmes liés à la gestion des étudiant.e.s. Ainsi, des professeur.e.s rapportent une augmentation considérable du nombre de courriels reçus, du nombre des rencontres individuelles de soutien et des revendications de la part des étudiant.e.s, comparativement à la situation pré-pandémie. Cette augmentation des échanges, des plaintes et du soutien offert aux étudiant.e.s a certainement des effets sur le sentiment de surcharge des professeur.e.s.

Pour ce qui est des modalités évaluatives, certains observent une augmentation des stratégies de triche utilisées par les étudiant.e.s. Enfin, des enjeux liés à l’encadrement des stages sont soulevés.

Au plan technologique

La pandémie a forcé un virage numérique rapide dans le domaine de l’éducation. En ce sens, quelques professeur.e.s rapportent avoir à leur disposition de l’équipement informatique inadéquat ou désuet pour réaliser leur travail, ce qui complexifie leurs tâches. De surcroit, il est soulevé un manque de ressources informatiques, des difficultés d’accès au Soutien Technique Informatique (STI) ainsi que des lacunes concernant l’efficacité des fonctions de clavardage sur MOODLE.

En général, les professeur.e.s notent une augmentation des tâches de soutien technique ce qui, pour certain·e·s, consomme de leur temps et énergie.

Au plan de la recherche

En ce qui concerne la recherche universitaire, plusieurs projets ont dû être retardés pour de multiples raisons telles que la fermeture des laboratoires, la non disponibilité des partenaires ou encore le fait de devoir amender les certifications éthiques de projet. Aussi, plusieurs chercheur·e·s ont eu moins de temps à consacrer à la rédaction d’articles en raison du contexte actuel, de la conciliation travail-famille ou du manque de temps engendré par l’augmentation de la tâche reliée à l’enseignement. Des enjeux liés à l’encadrement à distance des projets ou encore le recrutement des étudiant.e.s internationaux ont également été évoqués. Enfin, les possibilités de financement ont été accrues pour certain·e·s alors qu’elles ont été réduites pour d’autres.

« Je garde toutefois l’espoir »

Les professeur.e.s n’ont pas seulement décrit les répercussions de la pandémie. Des souhaits, de même que des pistes de solutions pour faire face aux difficultés rencontrées ont également été évoqués.

Espoir d’être mieux soutenu

Le virage vers l’enseignement numérique a engendré de grandes modifications dans les habitudes et les méthodes d’enseignement. Afin de faciliter ce virage, les professeur.e.s souhaitent être davantage soutenus aux plans pédagogiques et technologiques. Des investissements en termes de ressources humaines et matérielles paraissent ici requis. Du point de vue pédagogique, il est espéré de pouvoir obtenir davantage de soutien en vue de l’adaptation des cours en ligne, de même que des conditions de travail facilitant les apprentissages (notamment des groupes de petite taille). Du point de vue technologique, divers souhaits sont exprimés, notamment l’accès à du soutien de soir et de fin de semaine, des formations pour utiliser les nouvelles infrastructures, de même que l’utilisation d’une seule plateforme regroupant tous les services informatiques.

Espoir d’être reconnu

Plusieurs professeur.e.s souhaiteraient recevoir une plus grande reconnaissance du travail effectué. En ce sens, le développement et la production de cours en ligne est très demandant en termes de charge de travail, ce qui n’est pris en compte. De plus, certain·e·s mentionnent que l’obtention d’un appui financier afin d’accommoder le travail à distance serait bénéfique. D’autres évoquent que d’assouplir les attentes face aux trois sphères de la tâche professorale et que la diminution des tâches administratives dites « non essentielles » seraient souhaitable afin d’alléger la charge de travail croissante depuis le début de la pandémie. Enfin, des incitatifs à un mode de vie sain pourraient également être envisagés afin d’améliorer la qualité de vie.

Espoir d’être entendu et respecté

Parmi la communauté professorale, plusieurs souhaitent une révision de la méthode de gestion actuelle de l’UQAC. Les propositions amenées sont de développer une gestion davantage collégiale, de mieux respecter les décisions prises dans les assemblées départementales ainsi que de mieux comprendre et reconnaitre les besoins de l’ensemble des professeur.e.s. Par ailleurs, il est soulevé que les stratégies de communication de l’UQAC seraient à améliorer.

En conclusion

Si pour certains la pandémie a été source de stress et d’adaptation, voire de surcharge et d’épuisement, il importe de souligner que la réalité de certains professeur.e.s est demeurée inchangée ou encore a été affectée positivement. Il serait intéressant de s’intéresser aux facteurs qui font fluctuer le degré de bien-être des professeur.e.s et à ceux qui permettent une meilleure adaptation à la situation due à la pandémie.

La Correspondance

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