L’université comme milieu de vie pour une intégration réussie

Arnaud Montreuil, professeur au Département des sciences humaines et sociales

Le léger flottement du début d’une carrière de professeur ne fut pas sans me rappeler le flou des tout premiers jours du baccalauréat. Le premier jour sur le campus est une forme d’errance obligée. Pas encore familier avec les bâtiments et les espaces du complexe universitaire, on se perd physiquement entre la bibliothèque, le bureau, la cafétéria et les salles de réunion où l’on était attendu il y a déjà de cela cinq minutes. On dédale également dans les méandres des logiciels, des environnements numériques d’apprentissage et des configurations d’identifiants et de RPV. Et la pression monte dès l’entrée en poste, tandis qu’on nous informe des évaluations qui nous attendent aux deux ans, des cours qu’il nous faudra préparer, et des subventions de recherche auxquelles il est attendu que l’on postule.

Une cohorte inspirante

Dans le cas de la nouvelle cohorte de professeurs 2023-2024, cependant, force est d’admettre que bien des membres de la communauté de l’UQAC se sont mobilisés pour que notre arrivée à mes collègues et moi se fasse en douceur. Le brouillard de l’inconnu a été partiellement dissipé par une journée d’information prodiguée par les responsables des différents secteurs administratifs et par un rassemblement amical de fin de journée avec les nouvelles et nouveaux professeur.e.s des deux dernières années. Et si cela marquait déjà un bon départ, le reste fut mieux encore, et mon intégration s’est faite sans heurts. Le carrefour d’aide et d’apprentissage, qui a tenu cinq demi-journées de formations destinées aux nouveaux membres du corps professoral, nous a permis d’échanger et de fraterniser entre nouveaux collègues. Si Damien, Isabelle, Hamdi, Pascal, Rodrigue, Maxime et Jérémie sont devenu.e.s de bon.ne.s ami.e.s, c’est notamment grâce à l’équipe du carrefour, qui a fait d’une pierre deux coups en créant à la fois un esprit de cohorte et une communauté de pratiques pédagogiques. Et comme les possibilités d’existence de cette communauté sont contingentes d’une temporalité spécifique et très restreinte dans la durée – les premiers jours de la carrière professorale –, l’action du carrefour est ici décisive. J’en veux pour preuve le fait que le breakfast club (cf. autre article dans ce numéro), en raison de son interdépartementalité, de son horizontalité et de son goût prononcé pour le fou rire, les hypothèses farfelues et les discussions académiques, est l’une des pierres d’assises de mon intégration. Et si la fortune nous sourit, il est possible que des projets de recherches interdisciplinaires et audacieux naissent au sein de notre belle compagnie !

« Photo prise lors de la conférence de Patrice Hamel que j’ai organisée en collaboration avec le Département d’informatique et de mathématique, grâce à l’intercession amicale de Pascal Fortin et Damien Brun, deux membres de notre groupe de nouveaux profs. »

Des unités de recherche dynamiques

J’ai par ailleurs été choyé de joindre les rangs d’une équipe aussi dynamique que celle du Laboratoire d’histoire et d’archéologie du Subarctique oriental (LHASO). Noémie, Ségolène, Janie-Claude, Érik, Alexandre et François-Olivier, qui encadrent et nourrissent (au sens médiéval du terme) une belle communauté d’étudiant.e.s au certificat en archéologie, au baccalauréat en histoire, et maintenant à la maîtrise en histoire, font du boulot quotidien un véritable plaisir. Le LHASO est un espace exceptionnel de travail et de vie scientifique, où se côtoient autant des étudiant.e.s fraîchement arrivé.e.s du cégep que des professeurs à la retraite qui demeurent actifs dans la recherche. En plus de disposer d’une riche collection archéologique, l’effervescence socio-intellectuelle du LHASO a tout pour devenir l’un des grands points d’ancrage de la recherche en histoire en archéologie au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

« uUne photo de l’équipe du LHASO en compagnie de la première cohorte des étudiant.e.s à la maîtrise (qui a d’ailleurs remporté deux des trois bourses de maîtrise allouées à l’UQAC par le FRQSC – tout un succès !). Cette équipe est devenue un groupe d’ami.e.s proches, et ces étudiant.e.s sont notre fierté. »

L’autre équipe de recherche auprès de laquelle j’œuvre est celle du fichier Balsac, l’un des fleurons de l’UQAC. Cette infrastructure de recherche, développée par Gérard Bouchard, actualisée par Hélène Vézina et maintenant dirigée par Simon Girard, est une base de données génétiques et généalogiques unique au monde. En plus de m’offrir la chance de connaître une solide équipe de professionnel.le.s de recherche (Häxan, James, Pierre-Karl, Guy et Thomas), participer au comité directeur du fichier Balsac avec Alexandre Dubé, Simon Girard et Eugénie Capel me permet de voir chaque jour davantage toutes les perspectives offertes par des projets de recherches situés au confluent de la science de la Nature et de la science du Social.

Je suis également rattaché à une unité dynamique sur le plan de la recherche, où se mêlent politologues, archéologues, géographes et historiens. Comme l’unité compte une bonne proportion de jeunes professeur.e.s et professionnel.le.s très présent.e.s et très actif.ve.s sur le site même de l’université, le climat est stimulant. Le 5e étage du pavillon Desjardins est un lieu de travail très agréable – et c’est aussi là que se tient le séminaire mensuel du Laboratoire d’expertise et de recherche en anthropologie rituelle et symbolique, qui constitue un lieu d’échanges et de réflexions interdisciplinaires précieux. Le Département des sciences humaines et sociales, riche de sa diversité intellectuelle (et d’un comité social pétillant), est du reste un milieu administratif accueillant, notamment grâce à Krystel, Julie et Dominic.

Des difficultés partagées

Des difficultés d’intégration demeurent cependant présentes. La première est la situation actuelle du logement à Chicoutimi, qui combine un marché locatif saturé à un parc immobilier vieillissant. Il n’est pas facile de trouver un bon rapport qualité-prix pour le logement à moins d’avoir les moyens d’acheter une maison. La deuxième, qui n’est pas mon cas, mais qui a souvent été soulevée, est le problème de l’absence de garderie en milieu de travail. La création d’un tel service permettrait sans doute une meilleure conciliation travail-famille pour tou.t.e.s les collègues pour qui l’entrée en poste en tant que professeur.e rime avec le déménagement d’une cellule familiale. La troisième est que les formes et enjeux de certains jalons importants de la carrière de nouvelles et nouveaux professeur.e.s ne sont pas toujours limpides, et que les attentes, modalités d’accueil et dotations des recrues varient selon les cultures départementales. La quatrième – la plus importante sans doute – est de briser les habitudes de repli sur soi que toutes et tous, étudiant.e.s et professeur.e.s, avons développé pendant la pandémie, et dont nous ne sommes pas tout à fait sorti.e.s. L’Université est d’abord et avant tout un milieu de vie, la recherche une affaire collective, la collégialité engagée une condition d’existence et de prospérité savante, et la science un rapport social au monde.

La Correspondance

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