Jacinthe Dion, professeure en psychologie clinique et développementale au Département des sciences de la santé
La liberté académique est un concept assez large qui englobe plusieurs éléments et pour lesquels je n’ai pas nécessairement envie d’écrire! J’ai davantage le goût d’en discuter en personne, et surtout pas sur les médias sociaux…
Lorsque je pense à la liberté académique, je pense à nos trois tâches : liberté dans les cours à enseigner (en fonction bien sûr de l’ancienneté et des cours disponibles dans nos programmes!), des recherches à réaliser et des comités sur lesquels siéger. Face à ces trois tâches figurent aussi plusieurs non-libertés (choisies) : donner tel cours pour dépanner, devoir siéger sur tel comité, prioriser une thématique de recherche plutôt qu’une autre en fonction des besoins de nos partenaires, du financement disponible, etc. Je pense également au débat actuel concernant les mots à dire ou ne pas dire : plus complexe que les mots à dire, mais là-dessus, je ne me prononcerai pas!
Il y a également la liberté de pouvoir se prononcer sur différents sujets et de publier les résultats de nos travaux. Cette liberté est parfois brimée… Je pense en particulier au financement de la recherche : puisqu’il est difficile d’obtenir des fonds des grands organismes subventionnaires, plusieurs d’entre nous obtiennent du financement ailleurs, par exemple, d’entreprises privées. Ce faisant, qu’advient-il de notre liberté académique si nos résultats de recherche sont contraires aux intérêts la compagnie qui nous finance? En principe, nous ne devrions pas avoir de représailles ou être bâillonnés, mais malheureusement, ce n’est pas toujours ce qui arrive. Et dans ces cas-là, la liberté académique est brimée. Je connais des professeur·es (en dehors de l’UQAC, mais peut-être y en a-t-il aussi chez nous), où cette situation est arrivée. Et leur université ne les a pas soutenu·es. À ce sujet, je me rappelle avoir signé une lettre où nous remettions en question l’annonce hâtive d’un investissement de GNL Québec dans un projet interuniversitaire de chaire industrielle, en disant notamment : « en prêtant leur concours à ce type de stratégie, les universités risquent malheureusement d’être entraînées malgré elles dans des opérations d’écoblanchiment (greenwashing) attentatoires à leur rôle social et à leur indépendance dans la création et la transmission du savoir. » Ce questionnement est, il me semble, légitime. Toutefois, à la suite de la publication de cette lettre, nous avons eu droit à une riposte des hauts dirigeants de notre université dans les médias (p. ex., dans Le Quotidien et à la radio). J’ai été fâchée d’observer comment ils avaient déformé plusieurs de nos propos, par exemple, en disant que nous nous opposions au principe de la participation d’entreprises privées dans le financement de la recherche, ce qui n’est évidemment pas le cas!! Notre collègue Michel Roche avait d’ailleurs écrit un excellent texte en réponse à leurs réactions (que je vous invite à lire ou à relire). Nos dirigeants peuvent ne pas être d’accord avec les points de vue de leurs professeur·es, mais de là à déformer leurs propos, voire même miner leur crédibilité, il y a un pas…
Enfin, l’indépendance et l’intégrité des chercheur·es sont fondamentales. Cette partie de la liberté académique est menacée actuellement, ce qui me fait peur pour la suite : quels savoirs produirons-nous? Quelle en sera la qualité? Et comment nos hauts-dirigeants peuvent-ils nous soutenir?