Stéphane Allaire, professeur en pratiques éducatives au Département des sciences de l’éducation
J’envisageais initialement soumettre un texte en lien avec mon expertise en sciences de l’éducation. Or, bien candidement, je n’étais pas très inspiré. Je propose donc quelques idées qui me viennent spontanément à l’esprit lorsque je repense à la pandémie de façon générale.
La place importante faite aux universitaires de tous les secteurs dans l’espace médiatique depuis le début de la pandémie est un élément marquant qui, souhaitons-le, se maintiendra au-delà du grand bouleversement sanitaire. Nous avons été nombreux et diversifiés comme jamais auparavant à prendre la parole pour éclairer cet événement historique à partir de perspectives complémentaires.
Cette place accrue faite à la recherche a aussi eu une contrepartie. Elle a mis en exergue les carences de la population par rapport à sa compréhension du fonctionnement de la science. Je pense en particulier à l’importance du doute. Aux dimensions itérative et temporelle en jeu dans l’élaboration des connaissances. Ainsi qu’à l’amélioration progressive, perpétuelle de ces dernières. Nous sommes quelques-uns à avoir discuté avec le grand public des processus au cœur de la recherche. Je pense notamment aux pertinentes interventions du collègue Simon Girard (DSF). Il reste néanmoins beaucoup d’éducation à faire.
La mission de contribution à l’essor des collectivités des universités a poursuivi son affirmation depuis le début de la pandémie. À titre de président du Comité d’éthique de la recherche avec les êtres humains de l’UQAC, j’en ai été un témoin privilégié chez nous. En 2020-2021, près d’une trentaine de projets en lien avec la COVID-19 ont été soumis au Comité. Il s’agit d’un exemple supplémentaire illustrant le foisonnement du lien science-société.
La fermeture des campus universitaires, en mars 2020, a nécessité le déploiement rapide de ressources et mesures pour, entre autres, permettre aux professeurs et chargés de cours de continuer à dispenser leur enseignement et donc de poursuivre notre mission. Cette restructuration à grande vitesse est évocatrice de l’agilité exceptionnelle dont a fait preuve l’appareillage administratif. Il est souhaitable que cette souplesse puisse se répandre pour pouvoir mettre au cœur des discussions, en tout temps, les orientations de fond de nos projets de développement. Admettons qu’on a parfois, sinon souvent, l’impression d’être pris dans un dédalle de procédures, à la quête du prochain laissez-passer A38.
Il importe que le télétravail perdure en partie pour les personnes qui le souhaitent. En plus de l’économie de temps, il procure une flexibilité qui sied bien à la partie créative de notre travail. De nouveaux environnements de travail deviennent alors accessibles, qu’il s’agisse des espaces de coworking, des cafés ou même de la nature. Il n’y a rien de tel comme réfléchir et planifier la rédaction d’un texte pendant une marche en forêt! Un usage collectif amplifié de tels espaces ne pourrait-il pas donné lieu à des retombées pertinentes?
Imaginons un instant la pandémie au plus fort des restrictions sanitaires… sans la disponibilité du numérique. La crise sanitaire a déboulonné le mythe associant ses outils à l’isolement chez bien des gens. Le numérique s’est plutôt révélé en tant que véritable pont social. Il a été un vecteur de rapprochement humain dans un contexte d’adversité physique. Pensons simplement à nos assemblées syndicales, qui ont attiré un nombre record de participants.
Je terminerai en partageant une crainte. Celle de la santé mentale des troupes. Des résultats de recherche de nos collègues l’ont montré, une fatigue déjà présente s’est accrue chez plusieurs avec les exigences de la pandémie. Au-delà des discours empathiques témoignés à ceux qui tombent au combat, que faisons-nous, individuellement et collectivement, pour adresser minimalement cet enjeu? Combien de temps nous dispenserons-nous d’agir en prétextant des exigences de performance qui sont hors de notre contrôle?
Bonne et heureuse année 2022!