Martin Lavallière, professeur de kinésiologie au Département des sciences de la santé
Les Solitudes ou Silo-tudes universitaires font partie de notre quotidien comme professeur-chercheur universitaire. L’une toujours aux dépens de l’autre, l’une au sacrifice de l’autre. Le monde universitaire est en bouleversement, on doit produire plus, plus vite, et avec beaucoup moins. Pourquoi ne prend-t-on pas le temps? Le temps de bien faire, bien enseigner, bien faire de la recherche, bien servir la communauté et les collectivités qui nous accueillent. Nous nous devons de faire une différence, une vraie différence et non pas seulement produire pour produire en suivant l’adage « publish or perish ». De nos trois tâches, l’une peu naturellement nourrir l’autre : mes enseignements peuvent nourrir mes questions de recherche, ma recherche peut servir de point de contact pour mes services aux collectivités, et ces derniers peuvent servir d’exemples dans mes enseignements, et vice-versa. La bête nourrit la bête !
Avant que je ne mette les pieds à Chicoutimi comme professeur universitaire, on m’a souvent découragé de le faire. On me disait que je ne pourrai pas m’épanouir comme chercheur dans une petite université, qui plus est en région. On me disait que je me noierai dans mon enseignement et que je ne trouverai pas le temps et la place pour ma recherche. Que c’était peine perdue. Ceux et celles qui me connaissent le savent pour m’avoir côtoyé en sport: je suis un peu compétitif ! Je me suis donc pris un malin plaisir à leur prouver qu’ils auraient tort !
Avec les années, ce sont des partenariats forts avec le service de police de Saguenay, des projets porteurs avec des collègues d’ici – oui d’ici dans la région et à l’UQAC – et d’ailleurs, que j’ai su faire ma place. Les interventions médiatiques sur mes expertises ou nos projets de recherche en cours permettent de faire rayonner la recherche et l’UQAC et sont la source de nouvelles opportunités de collaborations.
Pour mes collègues des « grandes villes », je suis le gars des régions, du milieu « rural » ! Cela nous a permis de mettre en place plein de projets porteurs en sécurité routière. J’ai la chance de pouvoir trouver ici des réponses à des questions qu’eux et elles ne peuvent découvrir dans leurs grands centres. On travaille donc ensemble pour faire avancer la recherche ensemble. Et il y a surtout la technologie: il n’y a plus de frontières ou de distance afin de déployer nos projets. Nous ne sommes pas seuls, à vivre isolés au “Nord” du parc des Laurentides. La France et le Chili ne sont que deux exemples des pays avec lesquels je travaille régulièrement. Et cette ruralité que l’on nous appose comme université, les collègues de ces pays ne la voient pas. Ils voient un collègue qui travaille bien, avec eux, afin de développer et de créer de bons projets, de beaux projets de recherche. Notre lieu physique de travail n’a plus l’importance qu’il a déjà eue. La concrétisation de nos projets n’a de limites que dans notre créativité et nos ambitions.
Mais tout cela n’est possible, selon moi, que dans un contexte de support et d’entraide avec des collègues qui deviennent souvent des amis, une famille. Nous ne sommes pas toujours d’accord, c’est bien cela l’idée, mais nous sommes surtout toutes et tous orientés vers des solutions. Trouver des façons de faire plus, faire mieux, et le faire en s’amusant !
C’est aussi par un réseau fort de contacts et de mentorat que j’ai pu grandir comme chercheur dans les dernières années. Au fil de nos rencontres et échanges, j’apprends de mes mentors à être une meilleure personne, un meilleur gestionnaire, un meilleur chercheur. Je vois aussi ce que je ne veux pas devenir: c’est aussi ça le rôle de modèle. La recherche évolue, l’université évolue, le monde change, je me dois aussi d’évoluer et de me placer dans cette quête d’amélioration continue.
Tout comme nos étudiants.es, je suis encore en processus d’apprentissage même si ça fait bientôt 10 ans que j’ai fini mon doctorat. J’apprends encore – après 7 ans comme professeur – la structure administrative de mon université, j’apprends à connaître ma nouvelle région et ses acteurs, j’apprends à mieux me connaître dans ce statut qui est somme toute encore nouveau pour moi. Le passage du statut de chercheur postdoctoral à professeur n’a pas été une tâche facile et je m’y ajuste encore. Je débute aussi de nouvelles collaborations avec des collègues; on apprend à se connaître; on voit si ça fonctionne, ou non, nos méthodes de travail, nos passions, nos niveaux d’engagement dans les projets. Et tout cela demande aussi du temps. Je dois avouer que je me considère chanceux d’être entouré de si bonnes personnes. Certains diront que c’est une force d’attraction, mais j’y vois surtout un effet de famille où l’on vit ensemble et l’on se soutient dans les moments difficiles, les échecs et les refus, et surtout où l’on peut célébrer ensemble les belles victoires que nous réalisons en équipe.
L’adage que je porte à mon cœur est : « S’amuser, exceller ! ». Nous l’avons même fait imprimer sur nos gilets de laboratoire. Ces mots résonnent beaucoup pour moi, trouver plaisir chaque jour dans ce que je fais tout en étant en quête d’excellence dans ce que je réalise. Nos travaux doivent permettre de refléter l’avancement des savoirs et des pratiques et transmettre du mieux possible la passion et l’énergie déployées au quotidien afin d’exceller dans les trois sphères d’activités qui nous sont confiées en tant que professeur universitaire : l’enseignement, la recherche, et les services à la collectivité.
À l’aube de ma première sabbatique, je suis porté par l’énergie de mes étudiants, mes collaborateurs et mes collègues avec qui j’adore travailler. Pour les prochaines années, j’entends bien m’amuser et exceller !