En quête de leadership!

Stéphane Allaire, professeur en pratiques éducatives au Département des sciences de l’éducation
Vincent Morin, professeur en finance au Département des sciences économiques et administratives

Voilà déjà deux ans que notre vie a été bouleversée par la pandémie de COVID-19. Nous avons fait preuve de courage et de ténacité devant les nombreux défis auxquels nous avons dû faire face. Nous avons également affronté un lot de tempêtes. Des tempêtes administratives, des tourbillons informatiques et, plus récemment, des tempêtes de neige. Trêve de plaisanteries, nous avons su faire preuve de résilience. Nous avons mis à profit de nouvelles compétences pour dispenser notre savoir et aider, rassurer et motiver nos étudiants. Il a fallu en investir des heures, pour continuer à publier au même rythme à travers les confinements, l’école à la maison et toutes les autres exigences de la vie covidienne!

Nous trouvions important de prendre le temps de reconnaître le dévouement de nos collègues et leur capacité d’adaptation durant cette période de turbulence. Nous sommes toutefois conscients que ce dévouement, cet investissement colossal, a laissé des marques chez plusieurs d’entre nous. À force de devoir constamment s’ajuster, affronter de nouveaux défis et de se frotter à un environnement qui manque d’agilité, on peut finir par baisser les bras et se laisser porter par le courant.

Même si la pandémie a évolué et qu’on commence à entrevoir un retour à la vie normale, on sait maintenant que l’UQAC sera confrontée à des défis importants au cours des prochaines années. Étant donné que le cœur d’une université, c’est d’abord et avant tout l’enseignement et la recherche, on doit comprendre que le corps professoral a un rôle fondamental à jouer dans la pérennité et la réussite de l’UQAC.

Dans cette optique, n’est-il pas inquiétant de constater que de plus en plus de départements peinent à combler leur poste de direction? Qu’il faille solliciter plusieurs personnes afin de trouver une personne volontaire qui acceptera de se sacrifier pour le bien de l’équipe en acceptant un poste de direction de programme? Que nous peinions à obtenir des candidatures intéressantes aux postes de doyens, ce qui force le recourt à des intérims? Sommes-nous à ce point incompétents à relever de tels défis ou simplement désintéressés par la nature de ces postes?

La faiblesse de l’environnement capacitant

Chacune et chacun a probablement des raisons légitimes de ne pas envisager une tâche de gestion. Un motif qui nous semble évident présentement est la faiblesse de l’environnement capacitant en place. Qu’est-ce à dire? L’exercice d’une tâche, qu’elle soit de gestion ou autre, s’inscrit dans un contexte institutionnel élargi, lequel balise cet exercice, en le soutenant ou le contraignant. Or, depuis quelques années, il nous apparait que ce contexte se centre particulièrement sur des aspects périphériques à la mission universitaire. Accentuation des processus de contrôle. Démarches de planification et de reddition de comptes chronophages. Ampleur et longueur des procédures décisionnelles. Les intentions sous-jacentes ont sûrement un fondement bien intentionné. Néanmoins, ces pratiques ankylosent les efforts et surtout le goût pour le développement, qui devrait pourtant être un aspect important des postes susmentionnés. Plutôt que de soutenir l’agentivité et la capacité des individus, des pratiques comme celles évoquées les étouffent et finissent par effriter l’intérêt. 

Il est facile de ne blâmer que la haute direction de l’UQAC. Pourtant, lorsqu’on parle à des collègues d’autres universités, on constate que cet accroissement des processus administratifs les afflige aussi. De plus, soyons honnêtes envers nous-mêmes, il s’agit simplement d’assister à des réunions départementales, de programmes ou de recherche pour voir que les professeurs peuvent aussi être une source de lourdeur et de complexité administrative. Cette situation ajoute un fardeau à la tâche de direction et interfère dans le maintien d’un climat sain dans les équipes professorales.

En somme, le professeur qui accepte actuellement un poste de gestion sait, d’entrée de jeu, qu’il devra nager dans les sables mouvants des exigences administratives du poste, auxquelles s’ajoutera notamment une pesante couche de reddition de comptes et de contrôle. Malgré cela, il tentera de mobiliser son équipe avec agilité, sans nécessairement disposer des ressources requises. Il devra aussi gérer les attentes et déceptions de chacun, dans un contexte budgétaire qui, soyons réalistes, risque d’être critique.

Redonner le goût de s’impliquer

En dépit d’un tel portrait sombre, il demeure essentiel que les professeures et professeurs continuent d’occuper les postes de gestion académique. En laissant des chaises vides, nous assistons sournoisement à une érosion de l’académique au profit de l’administratif. Si l’on veut que l’institution se développe, tout en restant centrée sur sa vocation principale, c’est-à-dire l’enseignement et la recherche, il importe d’assumer un leadership important, et pas seulement par l’entremise de notre instance syndicale.

Comment alors redonner le goût aux professeurs et professeures de s’impliquer dans les postes de gestion?

  1. Simplifier les tâches des directions

Peu de professeurs et professeures ont la formation nécessaire pour faire de la gestion financière ou de la gestion de ressources humaines. Aussi, il importe de considérer que la personne qui occupe un poste de direction doit continuer de consacrer une partie de sa tâche à l’enseignement et à la recherche. Si l’on veut rendre les postes attractifs, il serait souhaitable que les professeurs et professeures puissent assumer ces fonctions, sans devoir mettre de côté les autres volets de leur tâche. Une piste à explorer réside à notre avis dans la recentration des postes de direction autour des décisions d’ordre académique et de développement.

  1. Offrir une formation pour les postes de direction

L’idée circule déjà à l’effet que l’institution veut offrir des formations courtes pour les professeures et professeurs qui occupent des postes de direction. Or, la grille des compétences requises pour être un gestionnaire compétent peut être imposante et rendre craintif quiconque ne provient pas du secteur de la gestion. Il est donc souhaitable de cibler l’essentiel. Quelles sont les quelques qualités et compétences importantes qui peuvent faire une différence pour l’institution?

  1. Soutenir les professeures et professeurs qui acceptent des postes de gestion

Quiconque a déjà occupé un poste de gestion sait qu’il n’est ni possible ni souhaitable de tout réaliser seul. Que ce soit comme directeur de programme, de département ou même comme doyen ou vice-recteur, le travail d’équipe est essentiel. Certes, il est de la responsabilité de la direction de mobiliser l’équipe. En contrepartie, il revient à tous de contribuer à un climat constructif, agréable, sain et propice à l’épanouissement de tout un chacun. L’attente ou la quête d’un sauveur est tentante. Hélas, peu importe la formation dont on dispose, le gestionnaire parfait est une lubie. C’est d’autant plus le cas que nous sommes embauchés principalement pour nos compétences en enseignement et en recherche. Il importe donc tout particulièrement que la gestion d’un département, d’un programme, d’une unité se fasse en équipe. Après tout, malgré les différences d’opinions, nous sommes collègues et appartenons au même syndicat. La discussion et la collaboration sont à privilégier. Dit autrement, compte tenu que peu de gens semblent avoir un intérêt pour occuper des postes de gestion, se pourrait-il que notre attitude collective soit en partie en cause?

  1. Privilégier une gestion centrée sur les principes plutôt que sur les procédures

Une précédente administration avait fait cartographier les lois et politiques auxquelles les universités étaient assujetties selon les décennies 1980, 1990 et 2000. Sans surprise, ce nombre est en augmentation constante. La situation est déplorable puisqu’elle impacte la liberté institutionnelle. Mais ce qui l’est encore davantage à nos yeux, c’est qu’en plus de ces contraintes externes déjà effarantes, on s’en dote d’autres à l’interne! Qu’on se comprenne bien… Loin de nous l’idée de préconiser une gestion anarchique qui donnerait lieu à de l’arbitraire. Ce que nous questionnons, c’est la dimension particulièrement précise, voire obtuse de nombre de procédures internes. Sous des motifs de gestion saine et égalitaire, ces procédures ne finissent-elles pas par nuire à l’exercice du jugement professionnel et à la prise en compte des particularités des contextes pluriels qui caractérisent une université? Ne finissent-elles pas aussi par induire une forme de gestion automate où l’on applique des règles un peu bêtement, du simple fait de leur existence? Ne nous dépossèdent-elles pas insidieusement de notre agentivité? Ne nous écartent-t-elles pas des enjeux de fond et de développement discutés plus tôt? Une gestion axée sur des principes généraux plutôt que techniques nous semble à explorer, sans toutefois en faire un chantier titanesque qui prendrait lui-même le pas sur le cœur de notre mission.

En conclusion

En conclusion, il nous semble crucial de remettre au cœur de notre conversation collective des idées contribuant à l’essor de l’enseignement et de la recherche à l’UQAC. Nous en aurons bien besoin pour composer avec les défis qui s’intensifieront au cours des prochaines années. Malgré cette urgence, nous constatons malheureusement le peu d’intérêt actuel pour les postes de gestion académique. Désillusion, épuisement, sentiment d’impuissance… Les raisons sont nombreuses pour expliquer cela. Mais il nous apparait essentiel que les professeures et professeurs se réapproprient l’espace de gestion qu’ils ont historiquement occupé. Il s’agit d’une condition essentielle à la réussite de l’UQAC.

En définitive, les solutions proposées dans ce texte ne sont pas si difficiles et coûteuses à mettre en place et peuvent permettre de raviver graduellement l’intérêt pour les postes de gestion académique.

La Correspondance

Une réflexion à propos de “En quête de leadership!

  1. Réponse au texte de Stéphane Allaire & Vincent Morin:«En quête de leadership!»

    Au cours des quelque trente années pendant lesquelles j’ai agi à titre de professeur de finance à l’UQAC, j’ai appris à la dure que la possibilité pour les professeurs de devenir momentanément gestionnaire de département, de module ou membre de la haute direction, n’a fait qu’engendrer la polarisation politique et les guerres de clans au sein du corps professoral, et ce dans tous les départements. Plus particulièrement, les professeurs du DSEA, qui sont des candidats naturellement intéressés par des postes de gestionnaires, ont été notablement touchés et déchirés à cause de ce modèle d’autogestion.

    J’aurais donc une suggestion et une offre à vous faire! D’abord la suggestion: ne plus permettre aux personnel enseignant actif d’accéder à des postes en gestion académique et réserver ces derniers à des gestionnaires externes et/ou à des professeurs retraités de l’UQAC ou d’ailleurs. Certes, il faudra modifier la convention collective mais ce changement de gestion permettra sans doute aux professeurs.es de mieux professer (enseignement & recherche) et aux gestionnaires de mieux gérer. Comme me disait souvent ma mère: «chacun son métier et les vaches seront bien gardées». Elle avait appris cette locution proverbiale en lisant la fable de Florian intitulée «Le vacher et le garde-chasse».


    Ensuite, mon offre: étant un professeur de finance retraité de l’UQAC et ayant également oeuvré à titre de gestionnaire dans la grande entreprise, je serais honoré de continuer à servir mon Université en occupant l’un des postes de gestionnaires dont vous parlez dans votre texte. Certes je suis un peu avancé en âge, ma peau est un peu flétrie, mais je n’ai rien perdu de mon énergie, de ma créativité et de ma personnalité. Pensez-y et redonnez-moi des nouvelles ?

    Cordiales salutations.
    ____________
    C.c. : Ghislain Samson, Recteur (Ghislain_Samson@uqac.ca)

    Dominique Biron, Vice-rectrice aux affaires administratives (Dominique_Biron@uqac.ca)

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