Et si on évaluait autrement? Réflexion autour du colloque présenté par le Carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage en juin 2022

Nicole Monney, professeure au Département des sciences de l’éducation

Le 9 juin dernier avait lieu le colloque du carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage. Ce colloque a porté sur la question de l’évaluation des apprentissages et, particulièrement, sur l’idée d’évaluer autrement. J’ai eu le plaisir d’y assister et de découvrir des réflexions très riches et pertinentes des collègues qui ont présenté leurs pratiques. Ce texte se veut donc à la fois une synthèse du colloque, mais aussi, une réflexion sur l’ensemble des possibles en évaluation des apprentissages.

Pourquoi évaluer autrement?

Pour la majorité d’entre nous, évaluer est avant tout valider un ensemble de connaissances au moyen d’un examen qui permettra d’octroyer une note. Il s’agit du modèle que nous avons connu comme élève et qui perdure depuis des centaines d’années. Bien que ce modèle ait fait ses preuves, la pandémie a bousculé nos pratiques. Car, si l’examen permet de valider les connaissances acquises, il demande de contrôler les conditions de passation pour éviter la tricherie. À ce propos, selon Wiliams et Wiliams (2012), le taux de tricherie dans les études varie entre 30% et 80% (Fontaine, 2020). Notons que ce taux ne prend pas en compte le contexte de la pandémie qui a demandé un basculement des cours à distance. Mais, la tricherie n’est pas uniquement plus facile à distance. Elle l’est aussi en présence dans nos classes avec les avancées technologiques. Je vous invite à faire une recherche sur Amazon en tapant le mot-clé « cheating gadget ». Vous pourrez apprécier toute l’ingéniosité de notre monde moderne pour seulement quelques dollars. Il y a donc lieu de s’interroger sur nos modalités d’évaluation si on veut assurer la qualité et la validité des diplômes décernés dans nos institutions universitaires.

En juin dernier, Martine Peters (UQO) a ouvert le colloque et nous a amenés à réfléchir à la question de l’intégrité académique. Elle a également pris le temps de proposer quelques pistes de réflexion pour revoir nos modalités d’évaluation.

Huit de nos collègues de l’UQAC ont ensuite partagé leurs pratiques évaluatives pour évaluer autrement. Ce numéro de Correspondance intègre les textes des différents collègues et je vous invite donc à les lire pour avoir plus de détails.

Des exemples inspirants et multiples à l’UQAC

D’un point de vue théorique, l’évaluation des apprentissages peut avoir trois fonctions: la fonction diagnostique, la fonction de régulation et la fonction de certification (De Ketele, 2010). Lors du colloque, nos collègues ont présenté des démarches ou des instruments d’évaluation qui s’inscrivaient surtout dans les fonctions de régulation et de certification. Je vais donc aborder uniquement ces deux fonctions pour la suite du texte.

Évaluer pour réguler l’apprentissage de l’étudiant

La fonction de régulation, plus communément appelée évaluation formative, vise à évaluer les étudiants pour les situer dans leurs apprentissages, pour donner des rétroactions sur les stratégies qu’ils utilisent, pour leur permettre de s’améliorer avec l’évaluation finale. Cinq collègues ont proposé des façons d’évaluer pour pouvoir aider les étudiants à se situer dans leurs apprentissages, mais aussi pour les impliquer plus activement dans leur formation. Marie-Ève Robillard, professeure clinicienne au département des sciences de la santé, a développé une feuille de route pour que les étudiants puissent s’autoévaluer. Élisabeth Boily, professeure au département des sciences de l’éducation, nous a proposé une façon d’évaluer dans des situations authentiques afin de placer les étudiants dans des situations qui se rapprochent le plus de leur milieu professionnel. Lionel Ripoll, professeur au département des sciences fondamentales, a suggéré un ensemble de modalités pour varier l’évaluation et pour s’assurer d’avoir une vision plus juste du cheminement de l’étudiant. Il a, entre autres, proposé une approche pour favoriser l’évaluation par les pairs en cours d’apprentissage pour que chacun puisse s’améliorer. Jessica Bérubé, chargée de cours au département d’informatique et de mathématique, a proposé l’évaluation en deux étapes qui permet à l’étudiant d’améliorer ses réponses en deux temps.  Marie-Isabelle Farinas, professeure au département des sciences appliquées, a présenté le dossier professionnel en génie qui permet de rendre compte des apprentissages réalisés par l’étudiant en regard des attentes de la profession.

Ces différents exemples mettent en lumière la possibilité d’impliquer l’étudiant dans son processus d’apprentissage. Opter pour des pratiques évaluatives qui visent une fonction régulative permet au professeur de partager la responsabilité de l’évaluation avec l’étudiant. L’étudiant s’approprie les critères et les visées de l’évaluation, les comprend mieux et en voit la pertinence. Dans ce cas, être évalué n’est pas juste recevoir une note, mais bien comprendre où j’en suis dans ma formation, quels sont les éléments que je dois revoir pour m’améliorer, qu’est-ce que je n’ai pas compris, etc.

Évaluer pour certifier l’apprentissage

La fonction de certification vise à certifier les apprentissages réussis à la fin d’une session. À l’université, la certification se fait souvent au moyen d’un examen en comptabilisant le nombre de points réussis. C’est ce qu’on appelle l’évaluation sommative. Cependant, la sommation n’est pas la seule démarche possible pour certifier les apprentissages. Il est aussi possible d’utiliser une démarche plus descriptive ou encore plus herméneutique (De Ketele, 2010). Le colloque a permis de découvrir des pratiques de nos collègues qui s’inscrivaient dans ces trois démarches : sommative, descriptive et herméneutique.

Deux collègues ont proposé comme pratique l’examen à question aléatoire qui s’inscrit dans une démarche sommative. Lionel Ripoll, professeur en sciences fondamentales et Vincent Arnaud, professeur au département des arts, des lettres et du langage. Par ailleurs, notons que dans le cas d’Arnaud, l’examen se fait à livre ouvert pour aller évaluer des stratégies cognitives autres qu’uniquement la mémorisation.

Cinq collègues ont choisi la démarche descriptive pour certifier les apprentissages de leurs étudiants. C’est le cas de Boily avec l’évaluation authentique, Ripoll avec l’évaluation par les pairs et Bérubé avec l’évaluation en deux étapes. De plus, Éric Pilote, professeur au département des sciences humaines, a présenté l’ensemble de sa réflexion pour réfléchir à une grille d’évaluation comprenant des critères bien arrimés aux objectifs du cours. Et, finalement, Jocelyn Benoit, professeur à L’École des arts numériques, de l’animation et du design NAD, a suggéré une stratégie pour évaluer les travaux de grandes équipes qui demandent des tâches différentes pour chaque étudiant.

Pour terminer, le dossier professionnel proposé par Farinas, s’inscrit dans une démarche herméneutique. L’idée étant de certifier l’apprentissage de l’étudiant en prenant en considération un ensemble de traces, de travaux et de réflexion.

Il n’y a pas de démarche parfaite. Ce qui importe est l’objet d’apprentissage qu’on veut évaluer. Ainsi, la démarche sommative est pertinente lorsqu’il est question d’évaluer des connaissances théoriques. La démarche descriptive est mieux adaptée lorsque le but est d’évaluer un processus qui intègre des savoir-faire (écrire, analyser, résoudre, intervenir, etc.). Finalement, la démarche herméneutique permet d’évaluer la complexité des compétences et d’avoir une vision globale sur le développement des compétences.

Une instrumentation variée pour s’adapter aux contenus et visées des programmes de l’UQAC

Le colloque du carrefour aura permis de mettre en lumière que l’évaluation des apprentissages peut prendre diverses formes selon la fonction qu’on lui donne, mais, aussi, selon les objets d’apprentissage ciblés par le cours. Ainsi, si le programme vise à former des professionnels à des compétences, l’évaluation authentique, la feuille de route, le dossier professionnel sont des options pertinentes. Et, si le but est de s’assurer que l’étudiant ait intégré un ensemble de connaissances plus théoriques, l’évaluation par les pairs, l’examen à questions aléatoires et à livre ouvert, l’examen oral peuvent être des solutions envisageables. L’idée principale est de s’assurer comme professeur que ce que nous enseignons en classe, les activités ou exercices que nous demandons à nos étudiants et l’évaluation à laquelle ils seront soumis, soient alignés et pertinents avec nos objectifs du plan de cours. Car, si le but n’est pas de faire réussir tout le monde, nous avons quand même comme mission de nous assurer que les diplômes que nous remettons reflètent la qualité des apprentissages réalisés par l’étudiant durant son parcours universitaire. Je ne peux terminer sans souligner la qualité des réflexions menées par nos huit collègues autour de l’évaluation des apprentissages. Ces exemples de pratiques sauront certainement nous inspirer pour poursuivre la qualité de l’enseignement à l’UQAC. Je remercie également toute l’équipe du Carrefour pour l’organisation du colloque, mais aussi pour l’accompagnement de qualité offert dans les dernières années.

La Correspondance

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