Pour rendre l’évaluation de la qualité de l’enseignement plus bénéfique…

Dessin de Benoît Melançon, École NAD / UQAC

Patrick Giroux, Département des sciences de l’éducation et directeur du Carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage

Depuis plusieurs mois, je collabore avec des professeurs, des chargés de cours, des cadres, des professionnels et des techniciens de notre institution pour concrétiser le Carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage de l’UQAC. Les défis relevés à ce jour sont nombreux et la prochaine année s’annonce fertile, mais mon but aujourd’hui n’est pas de faire un bilan de la première année d’opération du Carrefour. Je souhaite plutôt vous soumettre une ou deux idées à réfléchir et à discuter entre nous. Je ne vous cacherai pas que ces idées pourraient s’inscrire dans le futur du Carrefour. Surtout, je crois qu’elles pourraient contribuer positivement à la qualité de l’enseignement dans notre institution.

Commençons par le début…  Le Carrefour!

Le Carrefour c’est d’abord un comité de coordination réunissant des profs, des chargés de cours, un étudiant, un représentant de chaque service, des représentants de l’équipe d’accompagnement technopédagogique et médiatique présentée plus bas et au moins un représentant du vice-rectorat aux études. L’an dernier, ce comité s’est rencontré une fois par mois pour discuter de plusieurs sujets tous en lien avec l’enseignement en plus de former 4 sous-comités. L’un de ces sous-comités a organisé le colloque de pédagogie universitaire de juin dernier. Les trois autres ont réfléchi à différentes problématiques, soit (1) la valorisation de l’enseignement, (2) le niveau de compétences numériques et de compétences du 21e siècle de nos étudiants et (3) l’importance de l’adoption d’une pédagogie inclusive dans le contexte propre à l’UQAC. Cette année, les travaux de ces trois comités devraient tous amener de nouvelles actions concrètes.

Le Carrefour, c’est aussi une équipe d’accompagnement technopédagogique et médiatique qui a pour mission de soutenir, former et accompagner (en groupe ou individuellement) les professeurs, les chargés de cours, les maîtres de français et les auxiliaires d’enseignement en lien avec la pédagogie, l’évaluation, la gestion de classe, l’intégration des technologies dans l’enseignement, la formation à distance, la mise en place d’une approche « programme », etc. Cette équipe d’accompagnement peut faire beaucoup de choses pour vous aider. Vous êtes insatisfait d’un module ou d’une partie du cours que vous allez donner l’hiver prochain, prenez rendez-vous avec un conseiller pédagogique pour en discuter. Il vous aidera à réfléchir et vous proposera des pistes d’amélioration potentielle à explorer. Vous êtes très fier de votre matériel pédagogique, mais il gagnerait à devenir plus interactif? Écrivez au Carrefour@uqac.ca et un membre de l’équipe avec les compétences techniques nécessaires pour vous aider entrera en contact avec vous. Vous voulez apprendre à mieux exploiter Moodle en lien avec l’évaluation à distance? Le Carrefour peut vous offrir de la formation (en groupe ou dans une formule d’accompagnement individuel) à propos des outils d’évaluation de Moodle. Nous réfléchirons aussi avec vous aux meilleures stratégies d’évaluation à distance pour vous aider à améliorer votre cours. Votre programme aurait peut-être besoin d’une approche mieux coordonnée? Venez discuter d’approche programme avec un de nos conseillers pédagogiques! Il vous aidera à envisager les différentes possibilités et à réfléchir aux difficultés et aux avantages pour que vous puissiez prendre une décision éclairée. Vous avez innové ou développé une expertise particulière et vos cours se déroulent bien? Pourquoi ne pas contacter le Carrefour pour nous parler de cette réussite. Nous nous ferons un plaisir de collaborer avec vous afin de faciliter la mise en valeur de cette réussite et le transfert de votre expertise vers vos collègues enseignants!

Ensemble, l’équipe d’accompagnement technopédagogique et médiatique et le comité de coordination visent à faire en sorte que chaque projet ou besoin pédagogique bénéficie, au moment approprié, de la collaboration entre l’enseignant, les spécialistes de la pédagogie et ceux de la technologie (médiatisation). Ils veulent également faciliter les échanges entre toutes les composantes de la communauté universitaire afin de contribuer à l’évolution des pratiques et de l’offre de services en fonction des besoins de l’enseignement et de l’apprentissage et de la diversité de la communauté.

Quels liens entre le Carrefour et l’évaluation de la qualité de l’enseignement?

Actuellement il n’y en a pas vraiment, mais je suggère que ça devrait être le cas.

Selon le manuel de gestion de l’UQAC, l’évaluation des enseignements est dite « formative » et elle semble surtout avoir été mise en place pour les enseignants. Elle est, entre autres, censée « fournir à l’enseignant une rétroaction sur son enseignement, un outil et au besoin de l’accompagnement pour orienter ses efforts visant à améliorer son enseignement »[1]. Or, dans sa forme actuelle, l’évaluation des enseignements fournit une rétroaction discutable et limitée aux enseignants. Je reviendrai plus loin sur ce point. Surtout, elle n’offre pas vraiment d’orientation concrète aux enseignants quant à l’amélioration de leurs pratiques pédagogiques. On laisse le soin à chacun d’analyser et d’interpréter les données et d’en tirer des conclusions. En ce qui a trait à l’accompagnement, c’est le néant. Un rapport est simplement mis à notre disposition, sans plus.

Mais les choses pourraient être différentes…

Nous, enseignants de l’UQAC, pourrions prendre l’initiative de demander une rencontre avec un membre de l’équipe d’accompagnement technopédagogique et médiatique du Carrefour pour discuter de ces évaluations et bénéficier d’un accompagnement personnalisé. Parmi les enseignants qui ont déjà rencontré un membre de l’équipe d’accompagnement, nombreux apportent leur plan de cours, leur matériel pédagogique et leurs outils d’évaluation des apprentissages. Les membres de l’équipe d’accompagnement technopédagogique et médiatique écoutent, questionnent, consultent les documents présentés, émettent des suggestions en fonction des besoins exprimés par les enseignants… Cependant, combien d’enseignants pensent à apporter l’évaluation des enseignements par les étudiants des précédentes sessions? Bien que l’on puisse très certainement critiquer la forme et les contenus de l’évaluation, car tous les facteurs susceptibles d’avoir un impact sur la réussite du cours ne sont pas sondés dans le questionnaire, il demeure qu’il s’agit d’une trace de la perception que les apprenants ont de nos cours. En tant que telle, elle peut fournir des indices utiles pour améliorer nos cours. L’apprenant, après tout, est au cœur du système d’apprentissage que nous, enseignants, planifions et mettons en œuvre. C’est chez l’apprenant que la transformation ultime (l’apprentissage!) se produit… ou pas! En ce sens, les évaluations d’enseignement nous donnent accès à l’envers du miroir et à la manière que notre cours est reçu. Au minimum, c’est une source potentielle d’information à consulter pour repérer un problème, une difficulté, un bon coup, un contenu ou un exercice qui a été apprécié plus que les autres, etc. Je crois que nous, enseignants, pourrions collaborer avec les membres de l’équipe d’accompagnement technopédagogique et médiatique du Carrefour et développer des stratégies et des moyens qui permettent d’exploiter positivement les évaluations de la qualité de l’enseignement.

Le Carrefour pourrait-il faire encore plus en lien avec l’évaluation de la qualité de l’enseignement?

Je pense sincèrement que oui.

Le Carrefour a, selon moi, une caractéristique que l’on pourrait exploiter beaucoup plus : l’aspect horizontal de son comité de coordination! Alors que les structures et les services de notre institution s’élèvent en me donnant souvent l’apparence d’être indépendants et isolés, comme autant de silos posés l’un à côté de l’autre, le comité de coordination du Carrefour regroupe un représentant de tous les services, de tous les départements, des écoles de formation, des chargés de cours, du vice-rectorat aux études et des étudiants ainsi que des membres de l’équipe d’accompagnement technopédagogique et médiatique. Ensemble, ces gens pourraient assurément travailler à augmenter l’utilité de l’évaluation des enseignements. J’ai critiqué rapidement le contenu de l’évaluation précédemment. J’ai aussi mentionné qu’elle s’adresse surtout aux enseignants et qu’elle ne prend pas en compte tous les facteurs susceptibles d’influencer la réussite d’un cours. Développons ces idées. Le questionnaire employé actuellement est subdivisé en 4 « dimensions » : l’organisation du cours, la pédagogie, l’interaction avec les étudiants et l’évaluation. Cela ne représente pas tout ce qui influence l’enseignement et l’apprentissage. Loin de là… Par exemple, pourquoi n’évalue-t-on pas la qualité de l’aménagement des locaux dans lesquels on enseigne et apprend? Les tables fixées au sol ou placées en rang d’oignons serrés limitent peut-être les stratégies pédagogiques que l’enseignant peut déployer. Ces locaux sont-ils assez grands pour accueillir confortablement tous les étudiants et leurs outils d’apprentissage (ordinateurs, tablettes, livres et autres)? Fait-il trop froid ou trop chaud pour que les apprenants restent concentrés? Le réseau Wifi est-il suffisamment performant lorsqu’un professeur demande à un groupe de 70 apprenants d’écouter une vidéo et de l’analyser en prenant en compte ses derniers enseignements? La taille du groupe était-elle un frein ou, au contraire, un atout pour le déroulement des activités d’enseignement et d’apprentissage? La composition du groupe a-t-elle eu un impact sur le déroulement des activités? L’horaire convenait-il? Est-ce que certaines compétences de base manquaient aux étudiants, compétences qui ne sont pas nécessairement couvertes par le programme d’études, mais qui sont tout de même nécessaires à la réussite et par rapport auxquelles l’institution gagnerait à proposer un accompagnement? Ce ne sont que quelques exemples que je pourrais appuyer sur des recherches et maintes démonstrations, mais ils suffisent bien, je crois, à démontrer que la qualité de l’enseignement ne dépend pas que des enseignants et que l’évaluation est bien incomplète.

Je pense qu’ici encore le Carrefour pourrait nous aider si nous le voulons.

Le comité de coordination du Carrefour regroupe pratiquement tous les acteurs susceptibles d’influencer sur la qualité de l’enseignement. Pourquoi ne pas les charger de mettre à jour et de faire évoluer d’année en année les stratégies d’évaluation des enseignements en fonction des besoins et du contexte? En posant cette question, j’expose une autre limite importante de la procédure actuelle… Elle est dépassée et stagnante! Je ne citerai qu’un exemple. La procédure d’évaluation de la qualité de l’enseignement n’a clairement pas traversé la pandémie de Covid avec nous! Alors que notre institution peine à s’adapter à l’enseignement à distance, à la comodalité, à l’enseignement hybride et à toutes les possibilités maintenant offertes par le numérique et rendues omniprésentes par la pandémie, la stratégie d’évaluation de la qualité de l’enseignement a très peu évolué. Dans ce contexte, quelles informations l’évaluation de la qualité des enseignements fournit-elle réellement aux enseignants ainsi qu’aux autres acteurs de notre institution qui, eux, ont traversé la pandémie et ces impacts?

Je crois que le Carrefour peut, dès aujourd’hui, aider les enseignants à mieux exploiter l’évaluation de la qualité de l’enseignement. Dans le futur je pense qu’il serait aussi gagnant pour tous les acteurs de notre institution que le Carrefour soit impliqué dans le processus d’évaluation de la qualité de l’enseignement. On pourrait alors élargir la portée du processus et tous se responsabiliser par rapport à la qualité de l’enseignement. De plus, cette procédure pourrait devenir plus évolutive et flexible en fonction de l’évolution du contexte et de nos besoins à tous. 

Mais ce ne sont que des idées aussi longtemps que personne ne passe à l’acte…

Qu’en pensez-vous?


[1] https://www.uqac.ca/mgestion/chapitre-3/reglement-sur-les-programmes-detudes/politique-relative-a-levaluation-de-la-qualite-des-enseignements/

La Correspondance

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