Qui es-tu Philippe Boigey?

Image: Nicolas de Staël, Sicile (Vue d’Agrigente), 1954[1]

Correspondance: Commençons avec LA question: qui es-tu, Philippe Boigey?

Je suis professeur en gestion de projet et j’ai rejoint l’UQAC en 2019 quand j’ai intégré l’équipe du Département des sciences économiques et administratives. J’enseigne à la maîtrise et au doctorat en management de projet.  Je suis également responsable du Laboratoire d’études multidisciplinaires en Gestion de Projet (LemGP), administrateur du Project Management Institute, chapitre Lévis-Québec, et très impliqué dans ma communauté scientifique au Québec et à l’international ainsi que dans le milieu économique régional. Mon expérience managériale et professorale est vaste et pluridisciplinaire. Je l’ai acquise dans mes précédentes fonctions : direction et pilotage de projets pour diverses organisations publiques et privées en France et Europe, multi-entreprenariat, conseil en stratégie, direction dans une université française.  

Effectivement, tu sembles avoir une vaste expérience.
Aujourd’hui, de quoi es-tu le plus fier dans ton travail? Qu’est-ce que tu fais de vraiment original?

Alors, sans prétendre à l’Originalité, je peux te présenter deux réalisations qui te permettront d’en savoir un peu plus sur mes centres d’intérêt et mes activités à l’Université et susciter, peut-être, de futures collaborations avec d’autres professeurs de l’UQAC.

La première réalisation dont je souhaite te faire part porte sur développement du LemGP.  La pandémie a été l’occasion de déployer notre stratégie de développement en favorisant le recrutement de professeurs académiques tant en interne qu’en externe. Ainsi, nous formons une équipe internationale d’enseignants chercheurs, dynamique et soudée, avec une solide expérience de terrain dans la formation et le pilotage de projets de différentes natures. Notre équipe est composée de douze membres, hors membres étudiants, issus du Canada, de la France et du Gabon, ayant des expertises complémentaires articulées autour de notre axe central qui est le relationnel de projet et la gestion des parties prenantes. Cette stratégie de développement s’appuie à la fois sur des liens étroits tissés au fil des années avec un ensemble de professeurs en gestion de projet issus du réseau des universités du Québec, sur notre réseau de chercheurs en France et en Afrique et, enfin, sur la signature récente de deux partenariats de recherche importants pour le LemGP. Le premier partenariat porte sur la co-construction. Le second, plus large, porte sur le pilotage et le management des projets complexes.

D’accord, concrètement, qu’est-ce que tu fais dans cette équipe?

Très concrètement, cela se traduit aujourd’hui par la production d’ouvrages collectifs à paraître prochainement, par des interventions renouvelées en entreprise, par des conférences et des évènements à venir en Afrique ou encore par des sollicitations pour des expertises en gestion de projet, ici au Québec. Combinés, les efforts déployés viennent consolider notre positionnement, légitimer la pertinence de notre axe de recherche, renforcer notre dynamique collaborative et finalement accélérer notre stratégie de développement. La fin de la pandémie devrait permettre sans hésitation d’accélérer encore le développement du LemGP dans les mois à venir. A travers le développement du LemGP, nous contribuons, avec les moyens qui sont les nôtres, à la crédibilité de nos formations en gestion de projet et, au rayonnement de notre université.

Très intéressant! Et tu voulais nous parler d’une autre réalisation dont tu es fier?

Effectivement, la deuxième réalisation dont je souhaite te faire part s’inscrit directement dans le prolongement des activités du LemGP, de mes enseignements et de ma fonction d’administrateur reliée au Project Management Institute, Chapitre Lévis-Québec (PMILQ). En tant que responsable du bulletin mensuel du PMILQ et unique administrateur universitaire, je dois à la fois élaborer une ligne éditoriale, identifier des auteurs, écrire et évaluer les articles proposés par la communauté de gestionnaires de projet de l’Est du Québec. C’est un travail qui nécessite à la fois une implication continue pour faire vivre cette communauté de praticiens, pour tisser des liens avec des entreprises, pour partager leurs préoccupations ou encore répondre à leurs questionnements opérationnels. C’est aussi une formidable tribune pour se faire connaitre, capter des projets potentiels ou des stages pour nos étudiants, faire entendre la voix du LemGP, et enrichir la formation de nos étudiants en gestion de projet.

Et qu’est-ce que ça a permis pour le moment?

Jusqu’à présent, j’ai fédéré autour de ce projet, dès la session d’automne passée, une petite équipe d’étudiants motivés de maitrise (6) et de doctorat (2) en management de projet, pour m’accompagner tout au long de l’année dans l’élaboration des bulletins. Cette implication étudiante était bénévole, hors cadre de l’université, avec le soutien exclusif et unique de la direction du PMILQ et du LemGP.

Et ils embarquent? Qu’est-ce qu’ils font dans ce projet?

Tout-à-fait! À vrai dire, chaque étudiant, en fonction de ses compétences (réseaux sociaux, vidéos, articles, etc…), de ses capacités rédactionnelles, de ses envies et disponibilités, devait former un sous-groupe, nommer un leader et prendre la responsabilité d’une équipe pour produire et faire vivre le bulletin, tout en respectant les contraintes inerrantes à une telle activité. A chaque début de mois, une réunion était organisée afin de définir la ligne éditoriale du bulletin du mois et les idées d’articles ou de reportages, d’évaluer le contenu produit, de le mettre en ligne sur les différents médias sociaux, en accord avec la direction générale du PMILQ qui s’est totalement impliquée dans ce projet.

Un peu comme Correspondance, notre journal des profs!

Eh bien oui, on peut voir des similtudes en effet.

Et est-ce que les étudiants aiment leur expérience?

Je le crois, oui. Au fil des mois, les étudiants se sont sentis pousser des ailes, et de plus en plus impliqués, libres de voir qu’ils pouvaient exprimer leurs idées, prendre des initiatives dans le cadre que je leur avais fixé ou encore proposer leurs propres articles. Chaque membre étudiant a réussi à publier a minima un article dans le PMILQ. Voir son article publié est pour un étudiant quelque chose de très gratifiant : la reconnaissance de son professionnalisme, et des connaissances acquises dans nos cours de la part des praticiens. A la rentrée de septembre, ce projet prendra de l’ampleur puisqu’il fédère déjà des étudiants de l’UQAR et prochainement de Laval, une autre manière d’enrichir les collaborations pour confronter l’expérience des étudiants de l’UQAC à la réalité du terrain.

Alors, il y a des retombées à l’extérieur de l’UQAC aussi!

Exactement. Et ce projet est réellement apprécié. Grâce à l’excellent travail de cette équipe, le PMILQ a offert la possibilité à tous ses membres de suivre gratuitement en avril et mai derniers plusieurs ateliers et conférences organisés dans le cadre du colloque 2021 du PMILQ. L’équipe a reçu des félicitations appuyées par le conseil d’administration du PMILQ, augmenté significativement la visibilité des activités du PMILQ sur les réseaux sociaux, et reçu des commentaires élogieux de la part de la communauté des praticiens.

D’accord, ce sont donc deux réalisations qui te rendent fiers. Est-ce qu’il y a autre chose?

Faire mon métier d’universitaire avec droiture et intégrité ! Ce dont je suis le plus fier peut-être depuis que je suis universitaire est de pouvoir, grâce à mes enseignements et au cadre universitaire, accompagner les étudiants dans la réussite de leur projet professionnel et personnel. Je ne donnerai ici qu’un exemple très concret, mais parlant. Quand je codirigeais le parcours en gestion de projet à l’Université Paul Sabatier à Toulouse, j’avais une brillante étudiante qui ne trouvait pas d’emploi en gestion de projet et je l’ai poussée à quitter la France pour aller au Québec. J’ai travaillé fort et activé tous mes réseaux personnels pour lui trouver un emploi dans l’aéronautique. Un poste qu’elle a obtenu et aujourd’hui, 10 ans après, elle occupe une position de directrice générale et a été élue en 2019 femme de l’année. De cela, je suis fier et chaque année, cette ancienne étudiante m’envoie un courrier pour me tenir au courant de son évolution et me remercier de l’avoir mise sur son chemin. C’est un geste totalement gratuit de sa part, qui me touche personnellement et donne un sens à mon engagement envers mes étudiants et à mon métier d’universitaire.

Et finalement, qu’est-ce que tu fais de vraiment original?

Sur un registre plus personnel, je donnerai deux exemples. Le premier exemple, peut-être le moins original, quoique peu répandu si j’en juge par la difficulté de recruter des volontaires, est que je suis membre de la Patrouille à Ski du Canada. C’est aussi pour moi un bon moyen d’intégration! Le second exemple est que j’aime beaucoup l’art de la pêche à la mouche et le montage des mouches que je fabrique moi-même. En soi, ce n’est pas très original dans une région où cette activité est populaire. Ce qui est beaucoup plus original peut-être est ma pratique de cet art selon les règles japonaises. Ce type de pêche à la mouche très particulier s’appelle le Tenkara. Cette pratique existe depuis plus de mille ans au Japon. Sans entrer dans des détails philosophiques et techniques, elle se caractérise par le minimalisme du matériel et exige du pêcheur une grande connaissance des lieux poissonneux ainsi qu’une agilité à se déplacer furtivement pour ne pas alerter la proie. La canne Tenkara se compose simplement d’une canne très fine, un fil de soie ou un crin de cheval et une mouche et il n’y a pas de moulinet. Le minimalisme est privilégié. Cette pêche exige de la concentration, de la discrétion et d’être en harmonie avec la nature. C’est un art que je pratique généralement en solitaire, dans le silence absolu.

Je fais des liens là, avec des pratiques méditatives plus populaires en ce moment..
En tout cas, merci Philippe pour cet échange! Je pense que l’on te connaît un peu mieux maintenant. Mais je pense que tu nous as surtout donné envie de mieux te connaître! Merci, donc.

Merci à toi!


[1] « Le peintre Nicolas de Staël (1914-1955) s’est approprié la peinture comme nul autre. Son œuvre explore sans cesse l’opposition entre abstraction et figuration et s’accorde une grande liberté quant à la représentation de la réalité. L’œuvre présentée ici fait partie d’une série de trois tableaux et s’inspire des paysages de Sicile, dont il est tombé amoureux en 1953.  Cette série marquée par le triomphe de la construction de l’espace par la couleur est l’aboutissement de son œuvre puisqu’il décédera à peine deux ans plus tard. Grâce à des aplats de couleurs vives, Nicolas de Staël tente de fixer ici l’essence du paysage qu’il représente, par l’utilisation de lignes pures et de couleurs stridentes. Le violet et le vert tentent de trouver leur point d’équilibre avec les tons ocres et le rouge. Le ciel vert traversé par les raclures du couteau trouve sa complémentaire dans une forme rouge au-dessus de laquelle il s’ouvre. Pour moi cette œuvre est la parfaite traduction de ce que Nicolas de Staël écrit “On ne peint jamais ce qu’on croit voir, on peint à mille vibrations le coup reçu, à recevoir…”.  Je laisse à chacun d’entre vous le soin d’interpréter cette phrase à la lumière de sa propre réalité ». Philippe Boigey


La Correspondance

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