Correspondance : Commençons avec la désormais traditionnelle question : Qui es-tu Vincent Lecours?
Vincent Lecours : Je suis un géomaticien de formation, spécialisé en cartographie des fonds marins et professeur de géographie au Département des sciences humaines et sociales. Je suis originaire de St-Hyacinthe, et j’ai obtenu un baccalauréat en géomatique appliquée à l’environnement de l’Université de Sherbrooke avant de compléter un doctorat en géographie (concentration géomatique marine) à la Memorial University of Newfoundland, à Terre-Neuve. J’ai ensuite été professeur de télédétection marine et d’analyse géospatiale à la University of Florida pendant six ans, avant de rejoindre le Département des sciences humaines et sociales de l’UQAC en août 2022.
Parcours impressionnant! Mais peux-tu m’expliquer en quelques mots en quoi consiste la géomatique?
C’est la discipline qui intègre la collecte, le stockage, le traitement, la modélisation, l’analyse et la diffusion de données spatiales et d’information de localisation. Le lien avec la géographie est donc très fort, mais la géomatique peut aussi aider une panoplie d’autres disciplines. J’ai moi-même collaboré à des projets en archéologie sous-marine, en gestion de la faune, en ingénierie, en sciences économiques, etc.
OK, une discipline qui peut vraiment enrichir bon nombre d’autres domaines donc! Dis-moi, tu t’intéresses à la géographie et tu t’es aussi beaucoup déplacé personnellement, pour tes études, puis tes postes universitaires. Quelles sont les tournants les plus inattendus que tu as empruntés dans ta carrière?
En fait, ma carrière elle-même est due à une déviation inattendue ! Après avoir complété mon baccalauréat, je ne m’attendais pas vraiment à réaliser des études aux cycles supérieurs étant donné les perspectives d’emploi excellentes que j’avais à ce moment-là. Mais j’ai quand même exploré mes options, je me suis dit que faire une maîtrise pour me spécialiser dans un domaine spécifique serait une bonne idée. J’hésitais entre une spécialisation en milieu marin ou en milieu polaire. J’ai rencontré différents directeurs de thèse potentiels pour éventuellement me faire référer à Rodolphe Devillers, qui est devenu mon directeur. Le « problème » c’est que puisque l’on communiquait par courriel en français et que ce sont des collègues québécois qui nous avaient mis en contact, je n’ai réalisé que très tard que Rodolphe était à Terre-Neuve et qu’il me faudrait déménager ! Tout s’est fait très vite et à la dernière minute, et c’était assez effrayant ! Mais c’est probablement la meilleure décision professionnelle que j’ai prise ! Je n’avais pas prévu faire de doctorat, mais quand l’on m’a offert de transformer ma maîtrise en doctorat, ça a été difficile de refuser tellement j’avais développé un intérêt pour mes travaux. Et ces travaux sont ensuite tombés sur le radar de la University of Florida, qui m’a offert un poste avant que je ne complète mon doctorat. Et me voilà maintenant à l’UQAC ! Tout ça a découlé de ces quelques courriels exploratoires envoyés à la fin de mon baccalauréat, et d’un mentorat exceptionnel de Rodolphe, qui reste à ce jour un mentor important pour moi.
Wow ! C’est un peu fou en effet. Tu es modeste parce que j’imagine tout de même que derrière tout cela, il doit y avoir un excellent dossier académique et de recherche… À ce sujet, au plan de ta carrière, qu’est-ce qui te rend le plus fier?
Mon réseau de collaborateurs. Les technologies de communication d’aujourd’hui nous permettent de connecter avec des gens de façon globale, de bénéficier de l’aide et de l’expertise de chercheurs de partout dans le monde, et de leur fournir de l’aide et de l’expertise sans trop de complications logistiques. J’ai rencontré des gens merveilleux grâce à mon travail, dont plusieurs sont devenus des amis. Ces collaborations m’ont permis de travailler sur des systèmes naturels sans pareil, comme le fleuve Amazone ou des fonds marins uniques en Norvège et dans l’Arctique canadien. J’inclus aussi dans mon réseau de collaborateurs, peut-être les personnes les plus importantes : les étudiants aux cycles supérieurs avec qui j’ai pu travailler. Dans plusieurs cas, ces collaborations ont des impacts considérables autant au niveau personnel que professionnel et peuvent durer des années après que les étudiants aient gradué. Ces relations entre mentors et mentorés m’ont beaucoup apporté, que je sois le mentor ou le mentoré, et j’espère qu’il en est de même pour mes collaborateurs. Bref, je suis fier d’avoir contribué à créer ces liens bénéfiques pour tous, et de m’ouvrir à des perspectives différentes sur mes sujets d’étude.
Parfait. Est-ce qu’il y a des idées que tu n’as jamais ou pas encore pu réaliser?
La liste est trop longue! Il y a tellement de choses dont j’aurais voulu explorer les tenants et aboutissants, mais le temps et les ressources manquent trop souvent! Le nombre de projets que j’ai commencés mais jamais terminés est un peu honteux!
D’accord, laissons cela alors ! Autre question : est-ce qu’il y a des choses que tu aurais aimé qu’on te dise au début de ta carrière ou de tes études ?
Qu’il est possible d’avoir du succès dans le milieu académique tout en mettant des limites à ce que l’on accepte de faire. Dire non à des invitations, même si elles sont très intéressantes, est nécessaire lorsque l’on en a trop sur les épaules. Il y a eu des moments dans ma carrière où malheureusement, je n’ai pas pu offrir un soutien optimal aux étudiants aux cycles supérieurs qui travaillaient dans mon laboratoire parce que j’étais débordé et que je ne les priorisais pas. Ce n’est pas juste pour eux qui méritent un support approprié dans ce moment-clé de leur cheminement. Il en va de même pour des collègues et collaborateurs; si je donne mon accord pour contribuer à un projet, je leur dois de faire un travail de qualité dans les temps demandés. Aujourd’hui, il est toujours aussi difficile de décliner des invitations, et je ne peux malheureusement pas affirmer que j’ai appris de mes erreurs, mais j’essaie tout de même d’instaurer des limites à ce que j’accepte de faire. Ultimement, c’est ce qui est le plus bénéfique pour moi et mon entourage personnel et professionnel!
Conseil à noter en effet. Aujourd’hui, avec le recul, est-ce qu’il y a des choses que tu regrettes, ou que tu aurais faites différemment ?
Ma réponse est directement reliée à la précédente. À maintes occasions je me suis trop engagé au niveau du travail, au détriment de ma famille. La famille devrait toujours être priorisée! Depuis environ deux ans, j’essaie d’apporter des changements dans mon approche professionnelle pour m’assurer que mon temps en famille soit affecté le moins possible. Par exemple, une des mesures les plus simples que j’ai adoptées est d’enlever mes courriels professionnels de mon téléphone, et d’essayer de ne pas me connecter en dehors des heures de bureau. Cette mesure toute simple n’a pas affectée mon travail mais a définitivement réduit mon niveau de stress et amélioré la qualité du temps en famille!
Autre conseil pertinent : merci! En terminant, comment envisages-tu les prochains mois et années à l’UQAC? As-tu des rêves?
Je suis très excité de me mettre au travail à l’UQAC! L’opportunité de travailler sur des systèmes naturels de chez nous au Québec, comme le fjord du Saguenay et le fleuve St-Laurent, est simplement fantastique! Ce sont ces systèmes et l’intérêt que je leur ai portés dans ma jeunesse qui m’ont mené à m’engager dans une carrière en sciences naturelles. Contribuer à mieux les comprendre et potentiellement mieux les protéger est tout simplement un rêve devenu réalité! J’espère réellement être en mesure de fournir une expertise complémentaire à celles de mes collègues pour qu’ensemble on puisse faire une différence!
Un gros merci Vincent d’avoir répondu à nos questions! Au plaisir de te croiser et peut-être de collaborer, pourquoi pas?
Merci à Correspondance et, oui: pourquoi pas?!