Construire l’avenir sur ce que la COVID-19 nous a appris…

Patrick Giroux, Professeur au Dép. des Sciences de l’éducation *

Il y a environ un an, un virus a provoqué un très important remue-ménage à l’échelle planétaire. La vague a frappé le Québec en mars dernier. Depuis, les mesures sanitaires s’accumulent et perdurent. Chaque nouveau bulletin d’actualités nous rappelle les drames humains, la difficulté pour la classe politique de prendre des décisions qui vont plaire à toute la population et le dur labeur des travailleurs de la santé. De nombreuses recherches menées par nos collègues de l’UQAC et d’autres institutions montrent aussi à quel point cette crise sanitaire a un impact important sur toutes les tranches de la population.

À l’UQAC, en quelques jours seulement, nous sommes passés d’une situation où l’enseignement-apprentissage de proximité, synchrone et en présence avec des groupes relativement petits et des enseignant.e.s (professeur.e.s et chargé.e.s de cours) accessibles était la réalité pour une majorité de cours à une situation où une majorité d’activités se déroulait à distance. Du jour au lendemain, tous les enseignant.e.s ont dû se demander « Comment puis-je faire apprendre autrement ? ». Les données présentées dans ce journal laissent entendre qu’en l’espace de quelques semaines, une forte majorité des professeur.e.s a noté une augmentation de la tâche d’enseignement. Le changement a été brutal et l’adaptation a été difficile pour certains. L’enquête citée plus haut indique que la transformation des pratiques d’enseignement a été une source de stress et d’inconfort pour une majorité. Force est de constater que plusieurs enseignant.e.s autour de nous, comme l’institution, ont tenté de s’adapter d’une manière ou d’une autre. C’était parfois très réussi et à d’autres moments carrément malhabile. Plutôt que de juger de chaque action individuellement, nous préférons y voir une mise en mouvement collective. C’est un élément important et il nous laisse croire que nous pourrons peut-être tirer quelque chose de positif de cette crise sanitaire.

Voici pourquoi…

Du point de vue du design pédagogique et de la pédagogie, le rôle d’un.e enseignant.e est de faciliter l’apprentissage. Pour y arriver, la recherche et l’expérience nous ont appris que l’enseignant.e doit prendre certains facteurs en compte et s’adapter. Ces derniers sont nombreux et relativement bien connus. Il s’agit, par exemple, du lieu d’enseignement/apprentissage, des outils à disposition, de la nature des contenus, de l’appartenance à un programme et de ses caractéristiques, du nombre et des caractéristiques des apprenant.e.s, des caractéristiques de l’enseignant.e, etc. Après avoir bien compris et pris en compte l’interaction et l’impact de chaque facteur, l’enseignant.e doit ensuite faire un plan dans lequel il organise les contenus, détermine la meilleure manière d’amener ou de présenter le tout aux apprenant.e.s et choisit comment il va gérer l’ensemble. Une des difficultés inhérentes au métier d’enseignant.e est qu’il existe une infinité de possibilités et qu’elles ne sont pas toutes équivalentes selon le contexte. Malgré cela, l’enseignant.e doit trouver la réponse à la question : « Quel est le meilleur moyen de faire apprendre A, B et C au groupe D dans les conditions E, F et G »[1]. Depuis le mois de mars, collectivement, nous nous sommes souvent posé cette question et nous pensons que la COVID-19 nous laissera conséquemment mieux outillés pour l’avenir.

En effet, plusieurs enseignant.e.s ont dû changer, s’adapter et sortir de leur zone de confort depuis mars dernier. Ils ont revisité leurs contenus (voire complètement restructurer leur cours) et leurs stratégies d’enseignement, appris à utiliser de nouveaux outils, développé de nouvelles compétences techniques et pédagogiques, mis à l’essai de nouvelles manières d’interagir avec leurs étudiants, expérimenté de nouvelles formes d’évaluation… En gros, la crise sanitaire nous a amené à diversifier nos coffres à outils pédagogiques. D’ailleurs, selon l’enquête citée précédemment, plusieurs professeur.e.s perçoivent des avantages aux cours en ligne et évoquent le souhait de demeurer dans un modèle hybride au-delà de la pandémie.

Notre institution a aussi dû s’adapter rapidement. Tous les services de l’UQAC ont travaillé sans relâche pour mettre en place le télétravail et s’adapter à cette nouvelle réalité. Une petite équipe sous la direction de la bibliothèque a été formée rapidement incluant plusieurs ressources auparavant dispersées dans l’Université pour répondre aux besoins de l’enseignement à distance. Cette équipe a dû apprendre à collaborer dans l’urgence pour construire une multitude de tutoriels, de guides d’utilisation, offrir des formations et mettre en place des outils susceptibles de soutenir les enseignant.e.s. Pour donner un ordre de grandeur, cette équipe d’une dizaine de personnes a réussi à répondre à plus de 2600 requêtes et accompagnements pour le seul trimestre d’automne 2020. Un site Web a été conçu afin de partager ces informations et permettre de centraliser les ressources pédagogiques et technologiques à un seul endroit. Moodle a été repensé pour diffuser de l’information et un nouveau système de clavardage a été mis en place pour donner un soutien de première ligne à la communauté. Un plan stratégique et une stratégie de communication ont été produits par cette équipe et plusieurs publipostages ont été diffusés pour informer la communauté sur plusieurs sujets, des thématiques et autres informations importantes. Plusieurs technologies étaient déjà disponibles que peu exploitaient. C’est par exemple le cas de Google Workplace qui était déjà bien implémenté et maîtrisé sur le plan technique (mais moins sur le plan pédagogique!) et pour lequel des formations ont été rapidement déployées pour répondre à des besoins urgents. Plusieurs problèmes technologiques ont ensuite dû être réglés. Certains n’avaient, par exemple, pas l’équipement nécessaire pour enseigner à distance. Pour régler ce problème, le Centre de soutien à la prestation virtuelle de cours (CPV) et le Service des technologies de l’information (STI) ont collaboré pour rapidement adapter toutes les salles de classe avec un écran tactile et un deuxième écran sur un bras amovible avec une caméra Web intégrée. Des valises comprenant un ordinateur et tout l’équipement nécessaire à l’enseignement à distance ont aussi été préparées et rendues disponibles pour les enseignant.e.s. De nouveaux outils numériques ont ensuite été acquis et mis à la disposition des enseignant.e.s pour répondre aux nouveaux besoins (Panopto, licences de Screencast-o-matic, licences de Mentimeter, etc.). Cette réponse institutionnelle tardive n’a clairement pas satisfait tout le monde, mais on peut tout de même y voir une mise en action et, surtout, il faut reconnaître que nombre d’individus ont travaillé sans relâche pour aider et soutenir les enseignant.e.s et essayer de leur offrir des options.

Au final, les enseignant.e.s comme l’institution ont tenté de diversifier leur coffre à outil pédagogique et d’augmenter leur capacité à mettre en place des conditions d’apprentissage qui prennent en compte le contexte. Plusieurs diront que ce n’était pas parfait, et nous sommes tous d’accord avec ce point.

Un Carrefour de la pédagogie universitaire devrait bientôt être mis en place à l’UQAC qui regroupera les structures existantes du CPV et le Comité de pédagogie universitaire (CPU). Il donnera aussi une voix aux professeur.e.s et chargé.e.s de cours en regard de l’orientation que notre institution doit prendre en ce qui a trait à la pédagogie.

À nous, collectivement de continuer d’améliorer ce qui a été commencé dans l’urgence. À nous de continuer à tenter d’améliorer nos cours et d’entamer une réelle réflexion pédagogique! À nous de trouver comment mieux combiner les outils à notre disposition pour organiser les interactions entre l’enseignant.e, les contenus et les apprenant.e.s pour mieux répondre à leurs besoins, pour leur donner soif d’apprendre, pour les garder engager et pour leur offrir la meilleure expérience d’apprentissage possible! Nous avons demandé d’être partie prenante des solutions mises en place, la balle sera bientôt dans notre camp!


[1] Pour une bonne introduction au design pédagogique qui tienne en un seul volume et qui soit tout de même bien ancrée dans la recherche, nous suggérons l’ouvrage suivant: Smith, P. L. & T. J. Ragan (2005). Instructional Design (3rd ed.). Hoboken, N. J.: J. Wiley & Sons. (Disponible à la bibliothèque de l’UQAC: LB1028.38 S656.2005)

* Éric Bergeron (coordonnateur des opérations, Centre de soutien à la prestation virtuelle de cours) a contribué à l’écriture de cet article.

La Correspondance

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