| Patrick Faubert, Professeur en écologie industrielle et lutte aux changements climatiques au Département des sciences fondamentales, et Christian Fillion, conseiller au Rectorat
Dans un contexte où les institutions d’enseignement supérieur sont appelées à prendre position face aux enjeux écologiques majeurs de notre époque, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) se distingue par une série d’initiatives qui illustrent sa volonté de « faire sa part ». Plutôt que de s’enfermer dans une posture défensive ou incantatoire, l’UQAC s’engage dans une démarche de transition où l’action concrète et la diversité des domaines d’intervention témoignent d’une approche globale du développement durable. Voici un aperçu des gestes posés à l’interne et dans la région, organisés selon plusieurs axes stratégiques et dynamisés par le comité institutionnel de mise en œuvre du développement durable.

En matière de « consommation énergétique », l’UQAC a mis en œuvre plusieurs mesures structurantes. Parmi elles, on note la conversion énergétique du Pavillon Grand-Séminaire, l’adoption d’un plan d’action en efficacité énergétique, la mutualisation des infrastructures majeures de recherche, ainsi que l’installation progressive d’un éclairage à moindre consommation. Ces actions visent à réduire l’empreinte énergétique tout en optimisant les ressources matérielles et financières de l’établissement.

L’université a aussi investi le champ de « l’alimentation durable » par des initiatives ancrées dans la réalité étudiante et communautaire. Le projet « Free-GO solidaire » à Chicoutimi, le « Frigo communautaire » à Sept-Îles, la distribution de paniers alimentaires via EN FAIM, les cuisines collectives où on valorise les protéines végétales sous l’initiative du chantier Futur Simple, et la mise en place d’une forêt nourricière illustrent une volonté de promouvoir l’autonomie alimentaire et une consommation plus responsable.

La « mobilité durable » constitue un autre pilier de cette transition. Le corridor d’écomobilité, la navette Alma-Chicoutimi, les vélos libre-service, et les démarches en autopartage ou co-voiturage (actuellement en cours) s’inscrivent dans un plan global de gestion des déplacements. Ces initiatives visent non seulement à diminuer les émissions liées au transport, mais également à favoriser des habitudes plus écologiques chez les membres de la communauté universitaire.

Du côté du « milieu de vie et de la communauté », plusieurs actions témoignent d’une sensibilité accrue aux besoins sociaux et culturels. Mentionnons la rentrée verte, la collecte de vêtements d’hiver pour les étudiants internationaux, les séances de yoga offertes par le NAD-UQAC, et le verdissement des espaces, avec la plantation de plus de 200 arbres chaque année. À cela s’ajoutent des initiatives de soutien comme l’éducation financière, la collecte de dons et la mise en valeur de vêtements ou matériaux en économie circulaire par des partenariats innovants (ex. : Confection Imagine).

En matière de « gestion des matières résiduelles », l’UQAC s’est dotée de chantiers dédiés aux événements écoresponsables, à la valorisation des biens, au compostage, et à la réutilisation des matériaux. De plus, une initiative majeure sur les chantiers de rénovation du Pavillon principal appelée « déconstruction » a permis de valoriser plus de 90 % des matériaux Ces efforts s’inscrivent dans une logique circulaire où chaque déchet résiduel est potentiellement une ressource.

Sur le plan « académique », le développement durable traverse désormais l’ensemble de l’offre de formation. Il est soutenu par des espaces comme la forêt d’enseignement et de recherche Simoncouche, tout en s’accompagnant d’un renforcement des connaissances des membres de la communauté sur les enjeux du développement durable. Plus d’une dizaine de programmes spécifiques de tous les cycles qui touchent au développement durable sont offerts.

Les actions liées à la « lutte aux changements climatiques » incluent la compensation carbone via Carbone boréal pour des émissions de gaz à effet de serre incompressibles soit, du chauffage des bâtiments, des collations des grades et la planification durable des événements. La navette Alma figure ici aussi comme un levier d’action permettant des réductions de gaz à effet de serre à la source pour le déplacement comme un levier d’action.
Par ailleurs, l’UQAC s’approvisionne de plus en plus localement, et elle verdit ses toits et espaces ouverts, renforçant son rôle d’acteur de la biodiversité urbaine.

La recherche en développement durable à l’UQAC est intégrée dans la majorité des unités de recherche présentées dans les cinq axes du plan de la recherche et de la création 2024-2029 de l’UQAC. Les aspects environnementaux, sociaux, économiques, éthiques, culturels et de gouvernance y sont tous couverts.
Citons en exemple des unités comme le CURAL (Centre universitaire de recherche sur l’aluminium) qui intègrent l’écologie industrielle, tandis que le CREB (Centre de recherche sur la boréalie) déploie une recherche intégrant des plans d’aménagement durable des forêts et bleuetières. De son côté le CISD (Centre intersectoriel en santé durable) applique une recherche intersectorielle sur plusieurs enjeux socio-économiques associés à des domaines de la santé. Ces exemples témoignent d’une prise en compte croissante des dimensions du développement durable dans la production de savoirs.
Une gouvernance ancrée dans le développement durable
La gouvernance du développement durable à l’UQAC repose sur une structure qui se veut claire et collaborative. Au sommet figure la Politique de développement durable, mise en œuvre par un comité dédié dans lequel les auteurs de ces lignes sont impliqués. Ce comité supervise plusieurs sous-comités thématiques qui couvrent cinq grands axes : écoresponsabilité, valorisation, sensibilisation, mobilité durable et alimentation végétale. Chaque sous-comité coordonne des chantiers précis – par exemple, le chantier « événements écoresponsables » ou le plan de gestion des déplacements pour la mobilité durable, ou encore le chantier sur la démocratisation du développement durable en matière de sensibilisation. Cette structure assure une cohérence des actions à travers l’ensemble de l’institution, tout en laissant place à l’innovation locale. Elle vise à actualiser la volonté organisationnelle de faire du développement durable un vecteur transversal du projet universitaire.
Des perspectives de mesure et de collaboration accrues
Ces actions témoignent d’un engagement réel vers une transformation institutionnelle où le développement durable n’est pas un slogan, mais un fil conducteur. Loin d’être parfait, ce parcours est celui d’une université en transition, qui reconnaît la complexité des enjeux actuels et cherche, pas à pas, à s’y adapter et à y contribuer. Les prochains défis seront sans doute ceux de l’intégration plus systématique de ces principes dans toutes les sphères de la vie universitaire, de l’évaluation rigoureuse de leurs impacts, et d’une mobilisation accrue de l’ensemble des membres de la communauté. Une chose est sûre : faire partie de la solution exige plus que des déclarations, cela demande une culture de l’engagement et du courage collectif.