Analyse, Bien-être et enseignement

Santé globale et enseignement universitaire : regard sur une année de pandémie

Christiane Bergeron-Leclerc, professeure de travail social au DSHS
Danielle Maltais, professeure de travail social au DSHS
Jacques Cherblanc, professeur d’anthroposociologie au DSHS
Eve Pouliot, professeure de travail social au DSHS
Jacinthe Dion, professeure de psychologie au DSS

Le 19 janvier 2021, notre équipe publiait un premier texte traduisant les résultats d’un sondage du SPPUQAC à propos du bien-être des professeurs. Le présent article s’inscrit en continuité du premier. Il s’intéresse cette fois-ci à la santé globale de l’ensemble du corps enseignant universitaire, qu’il s’agisse des chargés de cours, des maîtres de français ou des professeurs[1]. Il vise plus spécifiquement à comparer l’état de santé de ces enseignants à celui des non enseignants[2]. Il s’appuie sur des données amassées dans le cadre d’une étude longitudinale s’intéressant aux conséquences de la pandémie sur la santé globale des populations universitaires du Québec[3]. Plus spécifiquement, cet article repose sur les données recueillies auprès de la population de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) au cours des phases 1 (avril-mai 2020; n=411), 2 (novembre 2020; n=228) et 3 (avril 2021, n=267) de cette étude. En moyenne, 30% des répondants étaient des enseignants. Rappelons succinctement que c’est par l’entremise d’un sondage en ligne que sont colligées les informations liées à la santé physique, mentale, sociale et spirituelle des participants. Enfin, soulignons que cet article est issu d’une présentation effectuée dans le cadre du 2e colloque virtuel du Comité de pédagogie universitaire de l’UQAC tenu le 9 juin 2021.

Qui sont les enseignants et les non enseignants sondés ?

Au cœur de cet article réside deux intentions principales. Notons d’abord un intérêt descriptif à propos de l’état de santé de l’ensemble du corps enseignant et de ses fluctuations dans le temps. Suivi d’un intérêt comparatif à savoir si l’état de santé de ces enseignants est similaire ou non à ce qui est observé chez les participants n’occupant pas ce type de fonction à l’UQAC. À ce sujet, précisons que les analyses comparatives présentées ici sont toutes statistiquement significatives.

Les participants rencontrés, qu’ils soient enseignants ou non, partagent des caractéristiques similaires. Ce sont majoritairement des femmes, de même que des personnes non racisées, ne s’identifiant pas comme autochtones, vivant en couple et n’ayant pas de conditions de santé chronique. La figure 1 met en évidence certaines différences entre les enseignants et les non enseignants. En sus, une différence significative concerne l’âge moyen des répondants, qui est de 38 ans pour les « non enseignants » et de 48 ans pour les enseignants.

Figure 1: Profil sociodémographique des participants

Jusqu’à quel point sont-ils satisfaits des modalités de gestion privilégiées ?

La pandémie a amené son lot de mesures sanitaires, ce qui a nécessité de la part des administrations universitaires une grande capacité d’adaptation. À l’égard de leur milieu de travail et des modalités de gestion en temps de pandémie, on note une satisfaction de la plupart des enseignants de l’UQAC. Ceci est particulièrement vrai pour les modalités de transmission de l’information (77,3%), la continuité académique (68,3%) et les mesures de soutien déployées à l’ensemble de la communauté universitaire (66%). Il importe toutefois de souligner que les enseignants, bien que plutôt ou très satisfaits, le sont dans des proportions moindres que les non enseignants. Enfin, en ce qui a trait à l’implication au sein des processus institutionnels, la proportion d’enseignants satisfaits (46%) est nettement inférieure à celle des autres répondants (61,9%). Ceci n’est pas sans rappeler les enjeux de collégialité universitaire, notamment mis en évidence par nos collègues François-Olivier Dorais et Vincent Morin.

Qu’en est-il de leur santé physique et mentale ?

L’étude longitudinale que nous menons évolue au fil du temps et de notre propre vécu de la pandémie. C’est ainsi qu’à la suite d’une consultation personnelle en physiothérapie, l’un des membres de notre équipe a proposé de s’intéresser aux douleurs musculosquelettiques. Bien que les résultats qui en émergent ne soient pas tout à fait positifs, nous sommes heureux d’avoir ajouté ces questions. Le premier constat qui émerge est à l’effet que 65% des enseignants et 69% des non enseignants ont rapporté avoir vécu des douleurs au cours du mois ayant précédé l’enquête. À la vue de la figure 2, on constate également une augmentation du nombre d’enseignants ayant déclaré des douleurs entre les mois de novembre 2020 et d’avril 2021.

Figure 2: Douleurs physiques

À l’égard de ces douleurs, 66% des enseignants ont évoqué que leur apparition est survenue depuis le début de la pandémie et qu’en l’occurrence elles étaient inexistantes auparavant. Le stress occasionné par les modifications des conditions de travail et l’aménagement des bureaux de travail à domicile seraient-il en cause ici ? Cette hypothèse mériterait d’être explorée.


En ce qui concerne l’état de santé mentale, notons d’abord que les enseignants (E) sont moins nombreux que les non enseignants (NE) à atteindre les seuils cliniques de troubles anxieux (E : 38,7% vs NE : 54,6%), dépressifs (E: 41,6% vs NE: 52,4%) ou de stress post-traumatique (E: 20,8% vs NE: 28,3%) (voir la figure 3).

Figure 3: Problèmes de santé mentale

Au cours des prochaines semaines, nous poursuivrons nos analyses afin d’expliquer ces différences observées entre ces deux groupes. Par ailleurs, bien que ces hausses soient légères, nous observons chez les deux groupes davantage de manifestations anxieuses et dépressives au troisième temps de l’étude, en comparaison des deux premiers temps. Enfin, bonne nouvelle, les manifestations associées au trouble de stress post-traumatique diminuent légèrement entre les trois temps de mesure et ce, pour les deux groupes concernés. Rappelons à ce titre que la mesure initiale de cette étude a été prise en plein confinement au printemps 2020, ce qui a pu affecter à la hausse ces résultats, tandis qu’au printemps 2021 les mesures sanitaires étaient de moindre ampleur. Nous continuerons à suivre de près ces tendances en matière de santé mentale jusqu’à la fin de l’année 2022.

Que dire de leur santé sociale et spirituelle ?

À propos du soutien social, qui rappelons-le est l’un des déterminants de la santé, notons que 88% des enseignants et 85% des non enseignants se sont sentis « bien ou très bien soutenus » dans la dernière année. En cohérence avec cette perception de soutien, plus de 70% des participants (toutes catégories confondues) ont indiqué avoir reçu « autant ou plus d’aide » qu’espérée au cours de la dernière année. L’entraide a donc été au rendez-vous. Nous constatons toutefois que 7 participants sur 10 se sont sentis seuls au cours de la dernière année. Ce constat ne se limite pas aux personnes vivant seules, qui sont minoritaires dans notre échantillon.

Par ailleurs, nos résultats indiquent que la santé spirituelle n’est pas la principale force des membres du corps enseignant et des autres répondants sondés dans cette étude. Non seulement la qualité de vie spirituelle était très faible au premier temps de l’étude, parmi les taux les plus faibles au monde, mais il s’avère qu’elle a diminué au cours de la dernière année.

Un an après le début de la pandémie… comment le corps enseignant se porte-t-il ?

En tant que groupe d’individu partageant la caractéristique d’enseigner, le corps enseignant se porte plutôt bien en comparaison des non enseignants. Toutefois, certaines zones de leur santé globale, en particulier la santé physique et mentale, ont été fragilisées au cours de la dernière année. Si vous vous reconnaissez et avez besoin d’aide n’hésitez pas à consulter la boite à outils ou encore à contacter le Programme d’aide aux employés ou les Services aux étudiants selon votre statut à l’UQAC. Dès l’automne, notre équipe de recherche se mettra en mode « solutions » pour faire face aux enjeux de santé ciblés, et ce, à travers la mise en place d’un laboratoire-vivant en santé mentale. D’ici là : profitons de l’été qui s’amène pour refaire le plein.


[1] Afin d’alléger la lecture du texte, il sera question « du corps enseignant » ou des « enseignants » pour qualifier ce groupe constitué des professeurs, des maîtres de français et des chargés de cours, en référence à la fonction d’enseignement partagée par ces trois groupes d’employés.

[2] Le groupe des « non enseignants » est constitué des autres types d’employés de l’UQAC, de même que des étudiants.

[3] Les données de cette étude sont régulièrement mises à jour sur le site internet : www.uqac.ca/impactcovid.