Dessin par Benoît Melançon, École NAD / UQAC
Sommaire du numéro
Éditorial
Même le ou la plus motivé·e des professeur·es songe à changer de métier quand vient le temps de corriger une importante pile de copies pendant les vacances de Noël… Et pourtant quelle n’était pas sa motivation lorsque, à la fin de l’été, il ou elle planifiait des tests hebdomadaires dans Moodle, un examen de mi-session, un journal de bord et un examen final pour intégrer tout cela! Face à cette ambivalence, chacun de nous utilise différentes stratégies: diminuer le nombre d’évaluations, remplacer les questions à développement par des choix de réponse, limiter les commentaires, faire corriger par des assistant·es… Et petit à petit on peut devenir de plus en plus irrité·e par cette partie de notre travail: Ah! si seulement il n’y avait pas tous ces travaux à corriger, combien parfait serait notre travail!
Dans mon expérience d’étudiant, je me souviens de deux professeurs qui évaluaient de façon diamétralement opposée. Leur façon de concevoir leur travail manifeste d’ailleurs deux conceptions différentes de l’évaluation . Le premier est maintenant à la retraite mais enseignait à l’UQAM. Il demeure pour moi un modèle ou plutôt un idéal auquel je me réfère continuellement. Les travaux à réaliser dans ses cours étaient toujours extrêmement bien conçus, en adéquation avec le contenu des apprentissages, mais nous obligeant à prendre de la hauteur, à mettre en perspective ce qui avait été enseigné. Et ses évaluations étaient impressionnantes par leur précision (en particulier sur la qualité de la langue) et leur quantité: sans exagérer, il y avait parfois plus de pages de commentaires que je n’en avais écrites dans le travail. Je me disais: mais comment fait-il? Je ne peux que m’incliner devant ce maître, que je remercie ici publiquement : merci Guy Ménard!
L’autre exemple, qui demeure un contre-exemple, remonte à mes études universitaires en France. Ce professeur enseignait la philosophie politique. Enfin c’est ce que le nom du cours annonçait… Chaque cours était une improvisation sur un thème. Bien souvent – nous finîmes par l’apprendre – ce thème était lié à un texte qu’il venait de lire ou d’écrire. Et il y avait une évaluation par trimestre: une composition écrite sur un sujet… qui n’avait rien à voir avec le cours. Selon son habitude, nous recevions une note, mais jamais nos travaux. Avec des amis, une fois, nous demandâmes nos travaux pour comprendre la divergence de nos notes. Après plusieurs semaines, nous finîmes par les obtenir: il n’y avait aucun commentaire sur une copie, qui avait reçu une bonne note, aucun non plus sur une autre qui avait reçu une évaluation passable et un seul commentaire, “Faible”, sur une copie qui n’avait pas obtenu la note de passage. Aucun de nous n’était satisfait de son évaluation. Encore aujourd’hui, ce contre-modèle est une source de motivation pour moi: attention de ne pas devenir ce type de professeur!
Alors que le premier exemple montre un professeur qui conçoit l’évaluation comme un travail minutieux de jugement étayé à l’aune de critères objectifs préétablis, le deuxième exemple illustre plutôt l’évaluation conçue comme une estimation grossière de la valeur d’un travail, selon des critères flous, qui tiennent pour beaucoup aux goûts et préférences de l’enseignant. Présenté ainsi, cela paraît si simple de choisir. Et ça l’est, pour autant qu’on planifie l’évaluation.
En plus de ces deux visions de l’évaluation, s’en ajoute une troisième qui illustre combien évaluer est sans doute la portion la plus importante de notre travail: c’est bien plus que mettre une note; c’est davantage que de déterminer l’adéquation entre des attentes et des réponses à des questions. En effet, le temps que nous accordons à chaque étudiant·e, les commentaires que nous lui donnons sur l’effort fourni et les apprentissages réalisés, les points à améliorer et ceux parfaitement maîtrisés, etc., tout ceci fait que nous enrichissons son développement intellectuel. Nous participons de son éducation au sens fort. Sans notre évaluation, son travail ne serait qu’un labeur. Par notre évaluation, nous ajoutons ainsi une importante plus-value aux productions étudiantes: nous leur donnons une signification, nous leur donnons de la valeur. Pour paraphraser un aphorisme de Nietzsche: évaluer, c’est créer de la valeur.
Ce numéro traite de ces différentes formes d’évaluation en faisant suite au colloque du Carrefour de l’enseignement qui s’est tenu en juin dernier à l’UQAC. Il présente une bonne partie des réflexions qui s’y sont déroulées. En rassemblant celles-ci dans le journal Correspondance, l’équipe éditoriale souhaite vous apporter des idées pour évaluer autrement. Pour que cette tâche demeure adaptée à votre réalité pédagogique. Et qu’elle permette de toujours donner davantage de valeur à vos étudiant·es!
Jacques Cherblanc, Éditeur
Sommaire
Prévenir le plagiat en stimulant la créativité
Martine Peters (DSÉ, UQO)
L’évaluation des compétences en situation authentique
Élisabeth Boily (DSÉ)
Évaluation de la contribution individuelle lors de travaux en très grandes équipes
Jocelyn Benoît (NAD / UQAC)
L’évaluation en deux étapes
Jessica Bérubé (DIM)
Évaluer autrement
Éric Pilote (DSHS)
Regard d’une conseillère pédagogique sur le colloque “Évaluer autrement”
Stéphanie Collard (Carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage)
Pour rendre l’évaluation de la qualité de l’enseignement plus bénéfique…
Patrick Giroux (DSÉ)