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Pourquoi tou·tes les enseignant·es de l’UQAC devraient participer à la journée du 29 mai prochain organisée par le Carrefour…

Patrick Giroux, professeur au Département des sciences de l’éducation et directeur académique du Carrefour

À la fin de novembre dernier, OpenAI a provoqué un véritable tremblement de terre en rendant accessible ChatGPT 3.5 au grand public. OpenAI compagnie spécialisée dans la recherche, le développement et le déploiement d’intelligences artificielles (IA) a ainsi pris tout le monde par surprise. Il n’est, en effet, pas fréquent que l’on rende accessible des technologies de ce type qui ne sont pas encore achevées ou que l’on implique ainsi le grand public dans la mise à l’essai et le développement d’un outil de pointe. Même si le numérique est partout dans nos vies, OpenAI a surtout obligé la planète entière à réaliser que les IA étaient présentes, puissantes, fonctionnelles et là pour rester! Cette prise de conscience a amené plusieurs enseignants et enseignantes à se questionner.

  • Les personnes étudiantes peuvent-elles utiliser des IA pour faire leurs travaux et leurs examens? 
  • Est-ce de la tricherie?
  • Doit-on interdire ou réglementer l’utilisation des IA à l’Université?
  • Les travaux et examens que je donne dans mon cours sont-ils « à risque »?
  • Comment peut-on mobiliser ces outils pour aller plus loin dans nos cours, favoriser l’apprentissage, etc?
  • Quid de la valeur des diplômes que nous émettons?

C’est dans ce contexte que le Carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage de l’UQAC a décidé d’organiser une journée complète de conférences à ce sujet. Et avant de vous résumer notre programme et nos objectifs, voici pourquoi je pense que toutes les enseignantes et tous les enseignants de l’UQAC devraient se former aux IA à très court terme (et participer à notre journée)!

Tout d’abord, parce que les personnes étudiantes savent déjà que ça existe!

Au début du mois de décembre dernier, alors que ChatGPT ébranlait les colonnes du temple et marquait l’imaginaire du public, j’ai reçu la visite d’une journaliste de TVA.  Elle voulait parler de ChatGPT, de son potentiel pour l’éducation et me demander si cette IA allait remplacer les enseignants et les enseignantes (c’est une question redondante en technologies éducatives!). Après une longue conversation, elle m’a demandé si les étudiants et étudiantes l’utilisaient déjà. Je ne le savais pas, mais je lui ai suggéré d’aller leur demander à la bibliothèque ou dans les espaces publics de l’UQAC. Il ne lui a fallu que quelques instants avant de trouver un étudiant qui était justement en train de questionner ChatGPT… Depuis, vous avez peut-être vous-même suspecté un cas de plagiat lié à l’utilisation de ChatGPT. Si les IA ne vous intéressent pas – peu importe votre raison, sachez que vos étudiants sont très curieux du potentiel des IA et qu’eux vont l’utiliser.

Ensuite, vous devriez vous intéresser aux IA parce que ChatGPT et les autres outils semblables ne donnent pas que de bonnes réponses.

Comme je l’ai déjà dit, certain.es de nos étudiants et étudiantes utilisent déjà ChatGPT et d’autres IA. Or, il s’avère que ChatGPT ne donne pas toujours de bonnes réponses aux questions qu’on lui pose. C’est parfois lié à des limites de sa base de connaissances. Ça peut aussi être lié à la manière utilisée par l’utilisateur pour questionner l’intelligence artificielle. L’art du « prompt » ou l’art de bien formuler sa requête pour une IA n’est pas toujours évident pour qui ne comprend pas comment elle fonctionne. Il en ressort donc que nos étudiants vont avoir besoin de « guidance » pour développer leur sens critique à l’égard des IA et apprendre comment bien les utiliser. Quelqu’un va devoir les aider à développer les savoirs et les compétences nécessaires pour bien apprécier les IA, avec leurs forces et leurs limites.

Parce que, sinon, ils vont apprendre par eux-mêmes…

Dès qu’on amorce une discussion à propos des IA avec quelqu’un orbitant autour du monde de l’éducation, les questions liées à l’intégrité académique et à l’éthique sont rapidement mises sur le plancher. Est-ce du plagiat? À qui appartiennent les réponses émises par l’IA (droit d’auteur)? Est-ce correct pour un étudiant ou une étudiante d’utiliser une IA pour mieux réussir? Doit-on citer une IA lorsqu’on l‘utilise et, si oui, comment? Qu’advient-il des données soumises à l’IA? Puis-je soumettre à une IA du matériel dont les droits appartiennent à quelqu’un d’autre? Et on n’a pas encore commencé à discuter du développement de ces IA, processus qui inspire souvent des doutes ou des malaises… Ces questions sont complexes et si on faisait aujourd’hui un débat au sein du corps enseignant, je crois qu’il serait difficile de trancher. Pensez-vous que nos étudiants et étudiantes vont se poser toutes ces questions?  Sur le plan de l’intégrité académique et de l’éthique, nos étudiants et étudiantes vont avoir besoin d’encadrement. Cela a évidemment des implications pédagogiques qui sont du ressort des enseignants et enseignantes, mais ça implique aussi une réflexion institutionnelle et des adaptations à nos règles et mécanismes.

Parce que le développement des IA est ultrarapide, qu’il est performant et que c’est déjà difficile pour vous et moi de distinguer le produit du travail d’une IA de celui d’un humain.

Juste ce matin, l’actualité artistique nous fournit un excellent exemple. Une supposée chanson de Drake et The Weeknd qui a été écoutée plus de 15 millions de fois sur le réseau TikTok et ajoutée aux catalogues de diffuseurs internationaux comme Spotify et Apple Music s’est avérée fausse, produite par une IA. Universal Music Group, qui représente les deux artistes, vient de demander le retrait de cette dernière pour des questions de droits d’auteur. Les chances qu’un travail étudiant vous berne augmentent rapidement…

Tout cela m’amène à vous parler des objectifs derrière la journée du 29 mai prochain et de notre riche programme de conférences.

Comme la majorité des professeures et professeurs, des chargées et chargés de cours et des professionnelles et professionnels de notre institution, les gens qui travaillent au Carrefour de l’enseignement et de l’apprentissage de l’UQAC ne sont pas des spécialistes de l’IA. Nous avons cependant été très curieux depuis le mois de novembre dernier et nous avons réalisé qu’il y avait énormément à apprendre. L’objectif premier du comité organisateur a donc été de fournir aux enseignant(e)s, aux gestionnaires et aux professionnel(le)s qui gravitent autour de l’enseignement les bases nécessaires pour débuter l’appropriation et la réflexion à propos des IA sur de fondations solides. Ainsi, deux de nos collègues de l’UQAC spécialistes de l’IA et le professeur Olivier Dyens de l’Université McGill joindront leurs efforts le matin du 29 mai pour nous expliquer ce qu’est une IA, pourquoi on devrait s’y intéresser en éducation et quels sont les risques associés à ces outils. Ils expliqueront aussi comment les IA sont développées, feront un bref historique de l’évolution des IA et citeront quelques exemples de contributions potentielles des IA en éducation et dans la société. En après-midi, nous nous concentrerons sur quelques questions que des collègues de l’UQAC m’ont posées au moment de la sortie de ChatGPT. Ainsi, la professeure Martine Peters viendra nous entretenir d’intégrité académique et de ce que nous pouvons faire comme enseignant(e)s pour nous adapter aux IA. Comme on manquait de temps pour répondre à toutes les questions soulevées, certains courageux ont accepté de jouer le jeu du PechaKucha. Ils tenteront donc de se prononcer par rapport à certaines questions qui revenaient souvent comme, par exemple, la valeur de nos diplômes à l’ère des IA, les compétences éthiques qu’il faut développer ou si les IA vont rendre nos étudiant(e)s moins intelligents. Ils le feront cependant en 20 diapos et 20 secondes chronométrées par diapos! Pour terminer la journée, une table ronde réunissant tous nos conférenciers permettra de les questionner et de croiser leurs points de vue.

Cette journée, nous l’avons pensée comme un point de départ. Ce n’est que le début! Dans les jours et les mois qui vont suivre, le Carrefour offrira des formations et probablement d’autres conférences. Nous espérons aussi avoir l’opportunité d’accompagner certaines personnes parmi vous dans leur projet d’intégration pédagogique des IA. L’institution devrait aussi rapidement organiser des discussions pour déterminer comment adapter nos règles et mécanismes à cette nouvelle réalité. Il importera alors que le corps professoral ait réfléchi et possède les connaissances et les compétences requises pour participer activement à cette réflexion.

Et si vous n’êtes pas encore convaincu·e, venez pour le diner, les pauses café et la consommation de fin de journée. On prend trop rarement le temps de se rencontrer, de partager et de réfléchir tous ensemble!

Pour explorer notre programme et vous inscrire : https://www.uqac.ca/carrefour/iaia/