Qui es-tu?

Qui es-tu Arnaud Montreuil?

Arnaud Montreuil, professeur d’histoire au Département des sciences humaines et sociales

Correspondance : Pour commencer, peux-tu présenter ton parcours aux lecteurs et lectrices de Correspondance ?
Arnaud Montreuil : Après un baccalauréat et une maîtrise en histoire à l’Université Laval, puis un stage en politique appliquée à la Fondation Jean-Charles-Bonenfant de l’Assemblée nationale du Québec, j’ai entamé un doctorat en cotutelle (soutenu en 2022) au sein de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de l’Université d’Ottawa. J’ai aussi été chargé de cours à l’Université d’Ottawa, à l’Université Laval et au Cégep de Sainte-Foy avant d’intégrer les rangs de l’UQAC. Si mes recherches portent principalement sur la sociologie historique des groupes dominants dans l’Europe médiévale, je m’intéresse aussi à toutes sortes d’objets de la science du social, notamment l’histoire seigneuriale et la sociologie de la communication politique.

Comment expliques-tu ton travail à tes amis non-universitaires ?
Si mes amis non universitaires comprennent bien que le rôle de professeur implique un volet pédagogique et un volet de service à la collectivité, il arrive souvent qu’ils ne soient pas familiers avec mes travaux de recherche, qui portent sur la société de l’Occident médiéval. Ils me demandent même parfois (à l’instar de certains amis universitaires !) à quoi ça sert d’étudier le Moyen Âge…

Justement, à quoi ça sert d’étudier le Moyen Âge ?
L’étude de la société médiévale, ça ne « sert » à rien, en ce sens qu’elle ne saurait être réduite à une dimension purement utilitariste. Elle est en revanche une nécessité. C’est en effet au sein de cette société radicalement différente (et souvent contre elle) que furent progressivement élaborées les structures sociales qui régissent la nôtre, comme le capitalisme marchand, l’individualisme, les notions de politique, d’économie et de religion. L’histoire médiévale est également nécessaire parce que la société médiévale est l’une des rares (et la seule en Occident) dont on connaît à la fois le début et la fin, et qu’elle constitue à ce titre un formidable laboratoire pour penser le changement social dans le temps.

Arnaud Montreuil porte fièrement les couleurs de l’UQAC au Lenbachhaus de Munich

Quels sont les hasards ou les chances auxquelles tu dois les plus belles orientations/réalisations dans ton travail ?
Mes plus belles réalisations sont toutes le fruit de rencontres stimulantes sur le plan personnel comme sur le plan scientifique. J’ai une dette intellectuelle irremboursable envers mes maîtres Kouky Fianu, Joseph Morsel et Didier Méhu, qui m’ont énormément soutenu tout en m’incitant sans relâche à pousser toujours plus loin mes hypothèses et mes recherches, qu’importent l’effort et les difficultés. Idem pour le travail d’équipe avec mon collègue Olivier Guimond en histoire seigneuriale laurentienne et ma collègue Anne-Marie Pilote en sociologie de la communication politique, qui me font tous deux sortir du Moyen Âge. Et nul doute que d’autres rencontres fructueuses m’attendent ici à l’UQAC !

Quel est le plus grand défi que tu as eu à relever dans ton travail ? 
Le passage à la pédagogie virtuelle pendant les confinements successifs des dernières années. L’enseignement, c’est d’abord et avant tout une relation, et une bonne partie de la dimension relationnelle de notre activité de professeur et d’étudiant se perd lorsqu’on la fait passer par la fibre ou le nuage. On pourrait d’ailleurs dire la même chose de la recherche.

En dehors du travail, qu’est-ce que tu fais ?
Dans mes temps libres, je fais un peu d’escalade, et je compte me mettre à la randonnée maintenant que j’habite le Saguenay. J’aime aussi beaucoup les musées, le théâtre, le cinéma et l’opéra, et j’ai un faible pour les séries télévisées en langues étrangères.

Arnaud Montreuil qui fait de gros efforts pour apprivoiser les rigueurs de l’hiver à Pointe d’Argentenay

De quoi es-tu le plus fier?
De toutes les réalisations collectives (colloques, publications, journées d’étude, associations) auxquelles j’ai eu l’honneur et le plaisir de contribuer.

Quels commentaires ou refus (de demande publication, de subvention, etc.) ont été pour toi les plus énervants/humiliants ?
Un refus de publication essentiellement fondé sur des rivalités académiques, et explicitement justifié comme tel. Comme quoi la science est toujours indissociable des conditions de production académiques de la science.

Ce que tu ne referais pas du tout ?
En tant que jeune chercheur, considérer une bourse ou une subvention comme acquise ou facile à obtenir : c’est souvent dans ces cas-là qu’on commet des erreurs et qu’on ressent de la déception.

Ce que tu referais, mais différemment ?
J’apprendrais à me servir mieux et plus tôt dans ma vie de tous les outils informatiques désormais nécessaires au travail de chercheur en science du social.

Ce que tu aurais aimé qu’on te dise au début de tes études ?
J’aurais aimé qu’on insiste sur la nécessité d’acquérir des connaissances linguistiques, que je tiens aujourd’hui pour essentielles dans notre métier. Le simple fait de connaître et maîtriser d’autres langues que le français et l’anglais – deux langues qui demeurent des outils de pensée formidables – donne non seulement accès à des publications, mais aussi à des systèmes de représentation qui permettent de sortir des sentiers battus de la recherche. Par connaissances linguistiques, j’entends aussi connaissances en linguistique : les mots et la langue sont les matériaux de base de la science du social, mais ils ne sont pourtant pas au cœur de nos enseignements et de nos réflexions, ou du moins pas directement ni implicitement  

Qu’est-ce que tu appréhendes le plus au cours des prochaines années ?
Outre les feux de forêt au Québec, l’inflation galopante, la montée en flèche des inégalités sociales, le bouillonnement climatique et le retour durable de la guerre en sol européen ? Je dirais que ce que j’appréhende le plus est le désengagement civique et l’atomisation du monde social autour de l’individu (dans les pratiques comme dans les représentations) : les grands défis de notre temps sont essentiellement collectifs, et ils appellent donc des réponses nécessairement collectives.

Merci beaucoup Arnaud d’avoir accepté de répondre aux questions de Correspondance!
Merci à vous et au plaisir d’échanger avec mes nouveaux collègues!