La recherche

Pourquoi demander une sabbatique et que faire pendant celle-ci?

Jacinthe Dion, Professeure de psychologie au Département des sciences de la santé

Je suis de retour d’une deuxième sabbatique, et on m’a demandé de partager mes expériences, ce qui me fait bien plaisir, car j’ai adoré celles-ci! J’ai découvert de nouvelles façons de faire, de nouveaux collègues, j’ai pu revoir mes objectifs de carrière, débuter de nouveaux projets stimulants et me sentir (un peu) moins débordée…

Demander ou pas sa sabbatique?

Nous avons tous droit à une sabbatique à notre 7ème année[i], alors, pourquoi s’en priver? Tous mes collègues, d’ici et d’ailleurs, qui ont fait une sabbatique vous le confirmeront : cela fait du bien!

D’abord, nous travaillons tellement fort dans les trois tâches (enseignement, recherche et services aux collectivités). Nous avons des « to-do lists » qui ne font que s’allonger, et plusieurs font plus que 35 heures/semaine, ce qui finit par épuiser!…. Rendu à la sabbatique, il est possible de « respirer » un peu plus! Il n’y a alors plus de comités institutionnels et de cours à donner, diminuant la « charge mentale » du professeur! Et je réalise que de prendre un pas de recul sur tous ces comités fait du bien. Nous prenons conscience que nous ne sommes pas indispensables sur ces comités (ce qui est une bonne chose aussi!) et lorsque nous revenons, nous avons de nouvelles perspectives.

Bref, vous êtes convaincus? Comment demander votre sabbatique?

Un court formulaire administratif est à compléter afin d’expliquer vos objectifs de sabbatique. Que met-on dedans? Ce que l’on a envie de faire en recherche : une (des) nouvelle(s) demande(s) de fonds, écrire un ou plusieurs articles scientifiques, un livre ou un chapitre de livre, ou même finir ceux que nous avons commencés depuis trop longtemps (!!) ou j’imagine faire une production créative (selon votre champ d’études). C’est aussi le moment de démarrer/consolider des collaborations de recherche, que ce soit au Québec, ou à l’international (pourquoi pas!).

Pourquoi partir à l’étranger?

J’ai réalisé au cours de ma carrière que les chercheurs d’ailleurs dans le monde aiment lorsque nous venons les visiter! Ce que je vous suggère : lors de congrès, remarquez ceux qui vous semblent intéressants, tant au plan scientifique, qu’humain (c’est bien important! Nous travaillons tellement fort, il faut que ce soit agréable!) et allez leur parler. Vous pouvez même glisser que vous aurez bientôt votre sabbatique et qu’il pourrait être intéressant de faire un séjour à leur université, etc…

J’ai réalisé trois séjours internationaux au cours de ma carrière (dont deux lors de sabbatiques), et pour les trois fois, ce fût relativement simple à organiser avec les chercheurs. Pour eux, c’est une occasion de développer de nouvelles collaborations et aussi de faire connaître leurs travaux. Ainsi, pour mes trois séjours (Californie, Melbourne et Oslo), j’ai collaboré à (ou dirigé) des articles en lien avec les données de ces collègues. Certains de ces articles ont débuté avant, se sont terminés pendant, ou après. J’ai aussi invité ces chercheurs à collaborer à mes articles, avec mes données. Au plan intellectuel, personnel et culturel, ces séjours m’ont permis de découvrir d’autres façons de faire en recherche, dans la direction d’étudiants aux cycles supérieurs et dans le fonctionnement d’autres universités. Ce fût aussi le moment de développer de belles amitiés, de rencontrer de nouvelles personnes, mais également de découvrir de nouveaux pays et cultures! Enfin, si de longs séjours ne sont pas possibles, de courtes visites (combinées par exemple à un congrès) peuvent être tout aussi intéressants et stimulants!

Coûts financiers

Bien que notre université puisse aider (voir votre convention collective!), il faut penser aux coûts engendrés. À mes deux premiers séjours, j’ai eu à défrayer pour mes frais de logement. Pour la nourriture, que ce soit ici ou ailleurs, ce sont sensiblement les mêmes coûts. Certains vont louer leur maison ici. C’est ce que j’ai fait quand nous sommes allés en Australie (mais cela peut aussi être une source de stress…). Pour mon séjour à Oslo, nous avons décidé de ne pas la louer, car j’ai eu accès à une subvention en Norvège permettant de défrayer ces coûts. Et oui, là-bas, il y a des concours pour les chercheurs internationaux, ce qui vaut vraiment la peine! Enfin, n’oubliez pas les démarches de visas pour les longs séjours…

Et les enfants?

Pour mon premier séjour, je n’avais pas d’enfants, mais pour les deux autres, oui! Ce qui veut aussi dire : plus de préparation. Il faut s’informer sur les services de garde/écoles. En Australie, c’est pratiquement gratuit (à part le matériel scolaire, bien sûr) et assez simple de les inscrire. C’est vraiment une riche expérience pour les enfants. D’autres parents choisissent de faire l’école à la maison (si, par exemple, vous avez un conjoint qui peut également s’impliquer à ce niveau), et c’est une autre option valable! Si vous choisissez cette voie, je vous suggère tout de même de les inscrire à des activités parascolaires pour qu’ils puissent socialiser.

Une fois là-bas?

De mon côté, lors de mes sabbatiques, j’ai débuté comme je le mentionnais, des collaborations avec les chercheurs d’accueils, mais j’en ai également profité pour travailler sur mes projets. J’ai aussi développé des collaborations avec d’autres chercheurs rencontrés là-bas.

Et si vous restez ici?

Une sabbatique en restant chez soi : c’est aussi une bonne idée! Chaque projet de sabbatique est valable! Si c’est le cas, je vous suggère de ne pas aller à votre bureau, ou d’y aller très peu. La raison est simple : vous ne vous sentirez pas en sabbatique, et vous resterez « accroché ». Un peu comme lorsque l’on prend des vacances et que l’on reste chez soi… Certains vous diront de ne pas prendre vos courriels à chaque jour (si vous êtes capables)! Les courriels nous restent parfois trop actifs à ce qui se passe, et moins dans les projets que l’on veut réaliser…

Réduire vos attentes !!

Nous avons l’impression que parce que nous allons avoir une année complète dédiée à la recherche, nous aurons plein de temps! ERREUR!!! En gros, je dirais que les premiers 6 mois, nous sommes en mode rattrapage! Donc un conseil : n’entreprenez pas trop de nouvelles choses avant de partir en sabbatique, pour que le rattrapage dure moins longtemps!

En sabbatique, nous avons également un peu plus de temps pour démarrer de nouveaux projets : et ici, il ne faut pas trop s’emballer. De mon côté, j’ai fait cette erreur deux fois! Vous êtes sur un beau rythme de croisière durant la sabbatique, vous avez un peu plus de temps, mais… Oups! Vous revenez à la réalité après votre sabbatique : les comités et l’enseignement reprennent, vous avez donc moins de temps!

Enfin, il peut être effrayant pour certains de se dire qu’ils auront à écrire tous les jours, une activité que nous pouvons avoir tendance à procrastiner… Là-dessus, il y a de bons livres pour vous aider*! De mon côté, ce qui a été aidant, c’est de me prévoir un temps chaque jour pour l’écriture. Mais il s’agit ici d’un autre sujet!…

En résumé, une sabbatique, ce n’est pas… ne rien faire (c’est hélas un préjugé). Au contraire, une sabbatique c’est : rattraper, développer, faire de nouvelles rencontres, innover, et revenir rechargé pour affronter 6 nouvelles années, avant la prochaine!!

*Suggestions de lecture!

Silvia, P. J. (2018). How to write a lot: A practical guide to productive academic writing. American Psychological Association.

Sword, H. (2017). Air & light & time & space: How successful academics write. Harvard University Press.


[i] Il existe aussi le modèle où l’on travaille 3 années, et ensuite 6 mois de sabbatique. J’ai des collègues qui préfèrent ce modèle, car de leur point de vue, il a plus d’avantages. Par exemple, vous donnez vos deux cours durant une session, et ensuite vous vous consacrez entièrement à la recherche pendant l’autre session, suivi des mois d’été (ou l’inverse si vous prenez l’automne en sabbatique). Donc vous avez plus souvent des sessions entières de libres pour la recherche.

One thought on “Pourquoi demander une sabbatique et que faire pendant celle-ci?

  1. L’année sabbatique des professeurs d’université n’existe pas en Europe ni en Asie, elle est propre aux Canadiens et Américains. Sabbatique car le sabbat est le 7ème jour. La population s’est ensuite emparée du mot pour qualifier toute année de relâche prise par des artistes , acteurs, comédiens ou chanteurs, et surtout des jeunes décrocheurs de l’école pour un trip d’un an. La sabbatique pour le professeur ingénieur que je fus à l’UQAC a comporté une partie dans un des plus importants bureau d’ingénieurs à Boston afin de me familiariser avec leurs projets et technologies de pointe ainsi qu’une partie sur le terrain en Afrique – exploration des nappes phréatiques par la télédétection et la géophysique- en vue de fournir de l’eau potable à des centaines de villages. À Boston les vendredis après-midi, nous faisions le point sur les projets sur lesquels le bureau d’ingénieurs travaillait. Je bénéficiais du point de vue pratique de ces ingénieurs et eux du mien en tant que chercheur académique. Cette année sabbatique devrait être étendue à tout le monde universitaire.

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