Opinion

Arriverons-nous à construire, ensemble, l’Université de demain?

women playing violin near window

Martin Lavallière, professeur de kinésiologie au Département des sciences de la santé

Tout comme plusieurs d’entre vous, j’ai pu assister à la collation des grades 2023 tenue le 29 avril dernier. Lors de ce moment mémorable pour nos étudiants.es, leurs proches et tout le personnel de l’UQAC, certains mots prononcés avec éloquence par le président sortant de MAGE-UQAC, M. Alexis Diard, ont trouvé particulièrement écho dans mon esprit. Je vous joins ici, avec sa permission, une partie de son discours :

« Vous savez, l’humain a réalisé énormément d’inventions. Mais ce que je vous demande d’utiliser, vous n’avez pas besoin de l’inventer. C’est votre humanité, votre empathie. C’est votre capacité à aider les plus démuni·e·s, à donner autant d’énergie pour aider cet humain à l’autre bout du monde que pour celui qui vit au bout de la rue. De toujours agir dans le respect de l’équité, de la diversité et de l’inclusion.
Vingt-sept. C’est le nombre de fois où j’ai utilisé le mot “vous” aujourd’hui. Vous êtes les seuls à pouvoir vous convaincre de ce dont vous êtes capable. Dans votre vie, vous aurez de nombreux choix à faire : aider ou délaisser, respecter ou dénigrer, avancer ou reculer, construire ou détruire. Quel choix allez-vous faire ? »

Pourquoi ces mots résonnent-ils autant dans ma tête? Ils me rappellent un article que j’ai lu récemment dans Nature Human Behaviour dont le titre avait attiré mon attention:  How bullying becomes a career tool (pour un accès gratuit au papier). On y dénombre de nombreuses formes de harcèlements et d’intimidations (bullying) qui agissent comme des fers de lance pour la carrière de plusieurs chercheurs. Des pratiques trop nombreuses de certains chercheurs ou gestionnaires aux dépens des collègues avec en tête, leur seul avancement. Ces façons d’agir ne sont pas sans rappeler le récent fracas médiatique concernant les relations entre professeurs et étudiants gradués dans certains laboratoires de Montréal. Est-ce un problème des grands centres ? De gros labos ou de «grandes» institutions ? Je ne crois pas. Ces façons de faire sont en parfaite contradiction avec les mots choisis par Alexis lors de la collation des grades et c’est pourquoi j’ai tant apprécié son allocution.

Est-ce que la lecture des propos de l’article ou des médias me surprennent, je me désole à dire que non. Après 8 ans aux études graduées pour ma maîtrise et mon doctorat, 3 ans au postdoctorat dans différents endroits du monde et maintenant 7 ans comme professeur-chercheur universitaire ici même à l’UQAC, c’est malheureusement des choses dont j’ai été témoin.

Pourquoi est-ce que certains ne trouvent façon de faire rayonner leurs succès qu’en abaissant leurs collègues ?

Pourquoi est-ce que leurs succès, qui sont bien mérités, sont toujours liés avec un commentaire désobligeant sur un autre collègue ?

Pourquoi est-ce que certains vont mettre des embuches dans les parcours professionnels de collègues en les empêchant de monter (ex. promotion, accès à des fonds ou des concours spécifiques …) alors qu’ils auraient tant à y gagner, s’ils prenaient la peine d’y réfléchir un peu ?

Lorsqu’un.e collègue rayonne, c’est l’UQAC qui rayonne. Nous n’avons qu’à penser aux récents succès au FRQS de plusieurs de nos collègues professeurs et étudiants chercheurs. Lorsque toutes et tous trouvent un environnement sain et bienveillant au travail, toutes et tous peuvent y performer et s’y réaliser au lieu de longer les murs en ayant toujours peur de se faire backstabber. Constamment en état de vigilance ultime à regarder ses arrières pour ne pas s’en faire passer une au lieu de pouvoir se concentrer pleinement sur les choses à réaliser, penser à faire plus, à faire mieux, innover !

Tant d’énergie perdue à dénigrer les autres, à leur faire du tort au lieu de leur permettre de s’élever : pourquoi ne pas agir comme un tremplin vers le haut au lieu d’un boulet vers le bas?

Ne pas reconnaître qu’ils et elles sont capables de succès sans nous, c’est les mépriser, les ignorer quand on les croise dans les corridors ou lors de différentes activités, etc. Toutes formes de violences envers autrui qui doivent cesser si on désire réellement construire ensemble.

À la naissance de mon premier garçon, ma mère nous a offert un petit coussin avec la mention : « On ne peut donner que deux choses à ses enfants : des racines et des ailes » (proverbe juif). Offrir des ancrages solides sur lesquels construire et toute la liberté pour se déployer pleinement comme être pensant: « libre de voir plus loin » qu’ils disaient. Similaire à notre rôle face à nos étudiants.es et la population que l’on dessert, adoptons cette même bienveillance envers nos collègues, et ce, peu importe leurs tâches, comme nous le suggérait Alexis. L’Université est un univers symbiotique qui se doit d’être mutualiste, ou chacun bénéficie de ces associations.

Comment, tous ensemble, arriverons-nous à construire l’Université de demain ? Comment pourrons-nous mieux répondre à nos questions de recherche, aux défis pédagogiques des prochaines années, aux défis sociétaux auxquels nous devons, ensemble, trouver solutions ? Michael P. Watson disait : « Les personnes fortes ne rabaissent pas les autres…elles les tirent vers le haut. » Construire l’un et l’autre, avec l’aide de l’autre, au lieu de construire sur l’autre, en lui faisant de l’ombre ou en lui restreignant l’accès à des ressources ou à des opportunités.

Avec du recul, je me désole de ne pas avoir écrit ces mots avant, mais je me tourne maintenant vers l’avenir, notre avenir. Quels choix allons-nous faire ?